Chroniques gonzoides, contestataires et philosophiques.


Lu. The Great Shark Hunt. De Hunter Thompson.

Il est difficile de présenter Hunter Thompson tant il est étrange autant que génial. Pour ceux qui connaissent, c'est l'auteur et également personnage principal de Las Vegas Parano, pour les autres, voyez Las Vegas Parano, ce sera pas perdu (mise en image de Terry Gilliam en plus). Hunter Thompson était écrivain mais d'abord journaliste. Ceci étant, il est tout sauf conventionnel, et son approche de la vie comme du journalisme est emplie d'une intelligence remarquable mais terriblement décalée. Thompson est un fils des années 60 et des drogues diverses de l'époque, mais de cet apparent décalage, voire folie selon votre perspective, nait une acuité absolument remarquable. Car autant Thompson raconte apparemment n'importe quoi, est extrèmement drole et ne respecte rien, autant il ne rentre dans aucun cliché, autant il porte sur le monde un regard révélateur, bien plus que la plupart des auteurs et journaliste sérieux, sur les dérives et aberrations du monde. Quand ce monde-là est en plus celui de l'amérique des années 60, avec ses guerres, ses bouleversements, ses affrontements entre hippies et establishment, et surtout ave Nixon, ça prends une saveur d'autant plus riche. Ce gros tome, quasi introuvable en français, est une compilation d'articles et d'extraits de livres (souvent compilés à partir de travaux journalistiques eux-mêmes), concernant principalement la politique (la part du Lion allant au Watergate) et l'observation quasiment ethnologique de groupes d'américains typiques au sens pas très positif du terme. Ce qui est, du coup, hilarant tout autant que d'une finesse et d'une justesse éblouissantes. J'aimais déja beaucoup Thompson mais cette masse dense donne une autre perspective sur son travail : j'ai découvert quelqu'un qui me fait vraiment changer d'avis sur l'importance du travail journalistique mais surtout sur ses méthodes et ses priorités. Et c'est à peu près pareil pour ce qui concerne la littérature. Donc Hunter Thompson est peut-être mort mais ce qu'il laisse, bien que d'un abord parfois surprenant, est absolument essentiel. Mangez-en.


Lu. Grabuge. De Noel Gaudin, Aimable Jr, Benoit Delepine et Matthias Sanderson.

Menés par Noel Gaudin, le splendide et glougloutant entarteur, une bende de joyeux drilles, en mjorité belges, dressent un panorama de la constestation déconnante, et ce n'est pas triste. Ce n'est pas triste parce que ça fait plaisir de voir que certains pensent encore à comment rendre la vie meilleure et comment dénoncer ceux qui l'ont oublié et les dérives qu'ils amènent, c'est-à-dire principalement les politiques, stars et autres capitaines du monde. Et ce n'est pas triste ensuite parce que les méthodes proposées, sur le modèle de l'entartage de pompeux cornichons, sont toutes passablement déconnantes et originales. Et au final, un reproche vient aux lèvres : c'est trop court. Non que les exemples ne soient pas assez détaillés, au contraire, c'est agréable à lire et sans atermoiements inutiles, mais en soi, on a envie qu'il y ait plus de déconneurs revendicatifs et réveilleurs, et comme certains sont rapidement évoqués dans les inter-chapitres, ben, ça fait envie. Heureusement, une bibliographie copieuse invite à de plus détaillées découvertes dans le domaine. Donc si vous avez une tendresse voire une vraie affinité pour les iconoclastes flibustiers et autres militants de la déconnade, c'est un moment non seulement agréable mais aussi tout simplement rassurant sur l'état du monde et des gens qui s'y trouvent.

Lu. Action Philosophers. De Fred Van Lente et Ryan Dunlavey.

L'internet à cela de bien qu'on peut commander des ouvrages improbables et inconnus à l'autre bout de la terre et les revevoir en une semaine. Bien m'en a pris en ce qui concerne Action Philosophers. Il s'agit d'une idée qui aurait pu rater : mettre en comics les vies des grands philosophes. Mais ça marche superbement. Le dessin est très rond et fait très comics modernes américains. C'est agréable, ça ne fait pas sérieux mais on reconnait bien les gens impliqués. Et les scénarios et les textes font preuve d'un vrai talent de vulgarisation, doublé d'un humour salvateur. Je ne suis pas apte à juger de tous, mais les philosophes que je connaissais avant sont très bien traités (ou maltraités, selon, mais on en tire une compréhension rudimentaire mais parfaitement juste de leur pensée). Du coup, c'est de loin la manière la plus agréable que j'ai trouvé d'aborder certains que je n'aurais sinon jamais eu le courage de me coltiner, ou de réviser de manière synthétique. Et une Bd rigolote qui remplit la tête, moi je trouve ça drolement bien. Bon, c'est un peu introuvable mais un échantillon large de philosophe est gratuitement disponible en ligne pour vous faire une idée.

Visité. Par Toutatis. Au musée gallo-romain de Fourvière.

Et oui, une exposition du Conseil Général, dont je vais dire plutot du bien en plus, ce qui prouve que je suis d'une magnanimité sans bornes. Mais enfin, il faut bien le dire, cette exposition m'a permis de me faire une idée bien plus précise de la religion gauloise et de débusquer quelques clichés. De fait, j'avais comment beaucoup l'idée astérixienne des druides barbus perdus en forêt et des rites menés dans la bruyère sur des pierres à peine dégrossies. Et à peine dégrossies également les mythologies et les organisations religieuses. Et en fait, non. Le panthéon est très riche et élaboré, mais les connaissances attenantes également, donc en astronomie, supériorité reconnue par les romains (bravo d'ailleurs à une petite scène filmée qui sonne agréablement juste). Et d'autre part, les lieux de rites étaient facilement des complexes architecturaux importants (avec des files avec des barrires pour faire la queue) incorporant une part financière non-négligeable. Et ça change du coup pas mal la perspective naïve sur la société gauloise, ce qui m'a bien intéressé. Je vous conseille en particulier le sort réservé aux prisonniers de guerre et aux têtes momifiées des ancètres à honorer. Dernière chose, l'affiche est jolie mais hyper trompeuse, vous avez qu'à chercher l'objet en question dans l'expo.


Vu. Pirates des Caraibes 2 : Dead Man's Chest.

Alors oui, j'avais beaucoup aimé le premier. Alors oui, le deuxième est long, sans surprise et donc au final décevant. Enfin, si j'avais payé une place de ciné, j'aurais été pas mal déçu. Pas de reproches majeurs cependant, tout le mond fait son boulot : Jack Sparrow maniéré, ses co-héros fades, les méchants gluants et méchants, malédictions, coffres, courses-poursuites, bla bla bla. Ca ronronne dans des proportions qui font que bon, franchement, ça laisse assez froid. Enfin, pas froid, mais pas lus chaud que devant un épisode de série correct mais sans grand rebondissement. D'autant que, et ça souligne encore plus cet aspect, le scénario ne mène à rien si ce n'est au troisième épisode de la série. Troisième épisode qui, sauf rebond inattendu des scénaristes ou des acteurs (et c'est pas avec l'unique baiser tenateur du couple de fadasses blond(e)s accompagnant notre gandiloquent pirate qu'on peut s'attendre à de grandes choses), s'annonce du même tonneau. Il y a tout ce qu'on attendait, mais rien de plus, et vraiment, c'est triste.


Vu. Kiss Kiss Bang Bang. De Shane Black.

Shane Black est scénariste de l'arme fatale, entre autres films policiers américains à succès. Il s'offre ici un film à tiroir taillé exprès pour lui avec tout ce qu'il a envie. Et finalement, confier un film à un scénariste entrainé, ça marche pas si mal. Tous les ingrédients sont là : un duo improbable, plein de mystères, des gens bizarres et des révélations bouleversantes. Car c'est un vrai film à scénario, où tout sera retourné plusieurs au fur et à mesure des révélations des différents protagonistes. Et ça marche, mais presque trop. Au sens où, avec toutes ces révélations (et remarques plus ou moins droles en voie off du personnage principal (mais je soupçonne fort que dans ce cas spécifique, la VO puisse aider sérieusement)), on n'a pas tellement le temps de s'attacher aux personnages ou de rentrer très complètement dans les enjeux. Bon, rien de grave parce que comme ça déroule tout le temps, on a des surprises et on est tout le temps occupé. En terme de distractions bien menées et denses, c'est donc à conseiller, d'autant qu'avec Val Kilmer en détective gay, ça change des habitudes.