Chroniques créatives, inquisitoriales et déclinantes.


Lu. La créativité. De Mihaly Csiksentmihalyi.

Mihaly Csiksentmihalyi, chercheur ayant écrit notamment Flow (psychologie du bonheur, intitulé Vivre en français) s'attaque ici à la question de la créativité. Et il ne s'agit pas de créativité individuelle, en tout cas pas en priorité, mais de créativité efficace, c'est-à-dire ayant réussi à avoir un impact sur la société. En gros, des créatifs ayant réussi. Ce qui est un choix méthodologiques qui, si il peut poser question, permet notamment d'inscrire cette question de la créativité dans le cadre social plus large du milieu et du domaine (scientifique, artistique, politique, peu importe). Et les observations qui en découlent me semblent très intéressantes et permettent de sortir du mythe du génie créateur isolé et de montrer que la créativité s'inscrit toujours dans un cadre social. A partir de là, on analyse les divers aspects de la créativité, dans différents domaines, au fil d'une carrière. C'est intéressant mais je ne peux pas m'enlever de l'idée qu'il manque un petit quelque chose dans la synthèse de toutes ces données, un déclic, un regard qu'on trouvait dans les précédents ouvrages de l'auteur. Ceci étant, les deux dernières parties sont par contre absolument passionnantes, puisqu'elles abordent la créativité personnelle, mais surtout la responsabilité des individus créatifs par rapport à leur impact sur la société (et pas seulement leur domaine/discipline). Et cette question de la place de la créativité et des manières de choisir les éléments créatifs en fonction du devenir de la société et non d'une marche en avant permanente et irréfléchie de toutes les disciplines me semble tout à fait essentielle.


Lu. From Dead to worse. De Charlaine Harris.

Huitième tome des aventures de Sookie Stackhouse, qui ont inspiré donc la série True Blood, From Dead to Worse est un tome de transition. Ce qui ne veut pas forcément dire que c'est un mauvais livre, ce n'est d'ailleurs pas le cas, mais que c'est un livre qui ne tient pas forcément debout tout seul et qui donne surtout envie de lire le suivant. Bien sur, c'est toujours plaisant de retrouver des personnages auxquels on est attachés, et on ne peut pas dire qu'il ne se passe rien, loin de là, mais il n'y a pas vraiment d'intrigue principale. D'un coté, on boucle (définitivement j'espère) tout un tas de trames plus ou moins secondaires qui trainent depuis plusieurs tomes, et de l'autre, on démarre l'introduction de personnages nouveaux dont on sent bien qu'ils vont mener les intrigues des tomes suivants. Et on finit sur une vraie grosse avancée en terme de timeline du monde. Mais les répercussions de tout ça sont pour le prochain. Que je lirais assidument, pas de doutes. Toujours une bonne série donc, mais un tome qu'il serait bien plus satisfaisant de lire dans l'enchainement de la suite.


Lu. Lovemaps. De John Money.

Sous-titré « Fantasmes sexuels, cartes affectives et perversions », c'est un ouvrage qui s'intéresse finalement de manière centrale aux paraphilies, c'est-à-dire aux tendances sexuelles déviantes. Non pas en termes moraux, mais vraiment en termes de déviances psychologiques, voire psychiatriques et criminelles. C'est de la sexologie, clinique principalement. Ce qui est intéressant, honnêtement, mais on est finalement surtout dans des questions cliniques lourdes. Ce n'est pas le seul propos, et justement on parle des cartes affectives non pathologiques aussi, et des différentes tendances de fantasmes paraphiliques, mais ça reste rapide par rapport au volume consacré à l'aspect pathologique et à ses éventuels traitements. Ceci étant, on trouve tout de même là dedans un certain nombre d'idées vraiment intéressantes, ne serait-ce que sur l'évolution de la sexologie et de la relation des cultures et des époques à la sexualité. Bref, pas indispensable du tout si on est pas dans le métier mais avec des morceaux intéressants quand même.


Lu. Histoire secrète de l'Inquisition. De Peter Godman.

Les archives de l'inquisition sont ouvertes depuis 1998 seulement, grâce à leur dirigeant de l'époque, à savoir notre pape actuel, ce qui a permis, enfin, d'avoir un regard sur cette institution qui ne soit pas celui des clichés, mais selon son fonctionnement et ses questionnements internes. Et c'est un sacré bordel. Avant cela, disons qu'il s'agit uniquement de l'inquisition romaine, et pas des inquisitions espagnoles et portugaises, indépendantes et pas mal plus fanatiques, et que celle-ci inclut la congrégation de l'Index. Cette fonction de définition de ce qui est licite ou non en termes de dogme et de publications fait partie des questions centrales et on découvre que l'inquisition a eu notamment pour fonctionner centrale de pousser l'Eglise au débat et à l'accouchement de positions dogmatiques claires (ce qui n'est par ailleurs toujours pas fini). On découvre aussi que pour beaucoup de membres de l'inquisition, l'organisation administrative et les luttes politiques n'étaient pas un avantage puisqu'elles les laissaient sans directive claire. Et que quand on veut faire son travail honnêtement, ça n'aide pas. Bref, ce qu'on découvre, ce sont donc toutes ces questions vues de l'intérieur, ces interrogations, cette bétise aussi parce qu'elle est bien là, mais aussi ces quelques papes ou dirigeants de l'église vraiment éclairés et qui essayèrent de réformer tout ça. C'est passionnant. Touffu, certes, et plein de contradictions, d'errements, mais aussi de moments amusants, bref, une vraie perspective historique synthétique sur une organisation qui, au-delà du mythe, fut surtout un organisme humain plein de faiblesses, de doutes et de luttes.


Joué. Le Labyrinthe magique. De Dirk Bauman.

Le labyrinthe magique fait partie de ces jeux pour enfants basés sur une astuce de matériel qui donne envie d'y jouer tout de suite. On en trouve souvent chez Haba (Kayanak, Trötofant) mais ce coup-ci c'est chez Drei Magier. Le plateau du labyrinthe n'a pas de murs, ceux-ci étant cachés desous. Et sous chaque pion, maintenue par un aimant, se trouve une bille. Quand un joueur rencontre un mur, la bille tombe. Mais visuellement, rien. Il va donc falloir mémoriser les emplacements de ces murs invisibles pour réussir à se déplacer vers les objectifs successifs du jeu. C'est donc un jeu de mémoire, mais pour une fois pas de mémoire visuelle, avec un vrai mécanisme astucieux et magique.


Joué. Smallworld. De Philippe Keyaerts.

Smallworld est une mise à jour d'un jeu que certains ont peut-être connu sous le nom Vinci. Il s'agit d'un jeu de conquête, avec des territoires et plein de petits pions d'armées de pultiples races différentes. Comme ça, ça s'annonce épais et destiné à des joueurs tendance maniaque, et en fait pas du tout. Parce qu'il s'agit d'un système du simplicité remarquable, astucieux qui plus est, sans hasard et qui permet de boucler une partie en une heure, en gros. L'astuce du système est que l'on commence avec une race, mais qu'on obtiendra jamais de population supplémentaire, et que donc il faudra passer cette race en déclin une fois qu'elle se sera étendue au maximum, afin de passer à une race plus jeune et plus prometteuse. Et cette gestion du déclin fait tout le sel et le cœur du jeu, ce que j'aime autant en pratique que sur le principe. Accessoirement, par rapport à Vinci, des finesses de règles et surtout un système de combinaisons de races et de pouvoirs qui permet de manière simple une variété impressionnante de peuples jouables (dont les zombies marchands, les ogres diplomates, les nains marins ou les géants volants). Au final, un très bon jeu, facile d'accès, rapide et goûtu, avec un graphisme certes med-fan classique mais soigné et un très beau matériel.