Chroniques anti-capitalistes, apeurées et galactiques.

Vu. Volem rien foutre al pays. De Pierre Carles.

Après Attention Danger Travail, Pierre Carles récidive, sur une thématique proche, puisqu'il s'intéresse ici à des formes collectives de sortie du salariat (et du système capitaliste). Comme à son habitude, il interviewe des gens variés et monte ça, de manière parfois un peu hachée, avec des images d'archives, plus ou moins récentes : l'ouverture sur une déclaration de Pompidou est particulièrement savoureuse. Et autant la forme ne me passionne ni ne me séduit plus que ça, autant le fond m'intéresse beaucoup, d'autant que c'est surtout ça l'objectif du film. Si vous vous intéressez déjà un peu à des formes d'organisation et de vie plus ou moins en marge, vous ne ferez sans doute pas de découvertes fracassantes, mais les exemples présentés sont variés et donnent à réfléchir. Du très communautariste bab au pavillon indivviduel entièrement alimenté en énergies renouvelables, chacun y trouvera de quoi s'entousiasmer et surtout de poser des questions. C'est vraiment l'aspect passionnant de ce film : voir des expériences qui fonctionnent, dans lesquels les gens vivent autrement. A la limite, j'ai trouvé que les quelques passages plus militants, et notamment les interviews de politique, étaient en trop. Malgré tout, c'est un film important et je suis bien content que je genre de documentaires puissent trouver une place en cinéma, ça me rassure un peu.


Lu. J'ai peur. De Christophe Siebert.

J'ai peur est, selon le quatrième de couverture, un roman pornographique qui ne fait pas beaucoup bander au début, et encore moins à la fin. C'est difficile d'en faire un meilleur résumé, si ce n'est celui, plus long, qui suit, sur le quatrième de couverture, mais je vais arrêter de tout pomper. C'est un roman très sombre, très glauque, puisque le personnage passe son temps à télécharger du porno et à se branler, sans joie, parce que ce monde irréel lui fait moins peur que le monde réel, dans lequel il ne s'aventure plus. Le temps passe et il ne fait que ça, compulsivement, dans une vie qui tourne en rond, emplie de films pornos, de sexe virtuel et distant, et de rares sortis dans le reste du monde sans aucun contact avec les gens. Mais c'est aussi un roman très fort, parce que justement, il ne s'embarrasse pas d'artifices, ni de retenue : c'est cru, c'est direct, et c'est marquant et ça parle de la difficulté de vivre et de la facilité de tomber dans l'addiction et l'isolement. C'est bien écrit, aussi, avec un style très marqué, pressé, sans ponctuation (du tout), oppressant, impliquant. Le style (comme le thème), peuvent ne pas plaire, mais en ce qui me concerne, au contraire, c'est fort et ça laisse des impressions pas glamour du tout mais importantes, fortes. Comme en plus, je connais l'auteur, je vous invite au moins à aller le feuilleter, vous verrez bien si ça vous parle (et lisez le quatrième de couverture, pour une fois qu'il y en a un de vraiment bien), et je vous encourage à tenter l'expérience.


Lu. Valérie ou la semaine des merveilles. De Vitezslav Nezval.

Je ne connaissais pas du tout Vitezslav Nezval, même si j'adore son prénom et qu'il est affilié aux surréalistes. J'ai donc choisi ce bouquin sur la bonne foi de sa couverture de Saudek et son résumé. Et ce fut un vrai moment de plaisir rafraichissant. Il s'agit d'un petit roman reprenant la forme et les codes des contes fantastiques d'europe centrale, le tout saupoudré d'une connotation érotique délicate. La jeune Valérie, vivant avec sa grand-mère dans une grande ferme à l'écart du village, découvre un étrange homme à tête de putois mangeant ses poules, ce dernier étant assisté d'un jeune homme bien de sa personne et maltraité. Au cours de sept journées, elle va plonger dans le fantastique, mais fantastique de conte et légendes, et découvrir l'ascendance du jeune homme, le rôle et la nature de l'homme-putois, ainsi que ses propres origines. La narration est rythmée et rend parfaitement l'ambiance onirique et poétique des contes. C'est du coup très plaisant à lire, pour un bon moment de détente.


Vu. Battlestar Galactica. Saison 3.

Après une première saison excellente et une seconde avec une sorte de gros trou au milieu, voila que la troisième saison touche à sa fin et, bon, je peux pas dire que je sois complètement rassuré sur l'avenir de l'ensemble. Je peux pas dire non plus que j'en ai marre et que je ne regarderais pas la suite, notez, c'est pas si négatif. Globalement, il n'y a pas un blanc aussi net que dans la précédente, l'ensemble des épisodes se tient, et les personnages continuent à être intéressants et profonds. Mais, et c'est là mon gros point négatif, l'intrigue de fond avance que dalle. Mais alors, rien. Deux épisodes avant la fin de saison, on en est au même point qu'une saison avant. C'est triste. D'autant que les seuls moments où on a eu l'impression que ça allait avancer, ben non, paf, personnages mis au placard et cloture de la trame en question. Et je dis bien, jusqu'à deux avant la fin, aprce que sur les deux derniers, ils ont par contre bien fait leur boulot : l'intrigue est très bien, le nouvel acteur parfait, et les révélations énormes (enfin, parce qu'on les attendait un peu), ce qui rend nécessaire le regardage de la suite. Par contre, et je dis ça parce que je sais qu'il y en a que ça bloque, on ne peut plus vraiment échapper à une dose de mysticisme difficilement réfutable. Moi, je supporte et je trouve que ça a été amené correctement, mais si vous en voulez pas, ça va bloquer. Donc bon, une saison pas si mal mais qui souffre vraiment d'une intrigue de fond à l'arrêt.


Joué. London 1888. De Damien Maric, illustré par Stéphane Kot.

London 1888 est un beau jeu, un vraiment très beau jeu, avec une ambiance visuelle très forte et très réussie. C'est pour ça que je vous ai mis le nom de l'illustrateur, c'est une part centrale du jeu : tout est en vieilles photos retravaillées, visages déformés et vraiment très réussis, on se sent vraiment dans une version un peu déformée, comme à travers un miroir brisé, de Londres à la fin du XIXème. Le jeu est en deux parties. Chacun joue un personnage spécifique, qui se balade dans Londres, sachant que parmi les joueurs se trouve Jack l'éventreur (attribué aléatoirement, indépendamment de l'identité réelle de votre personnage). Première partie : trouver qui est Jack. Le système est malin mais très classique : déplacement au dé, interrogatoires, etc. Seconde partie : Jack essaie de survivre (un nombre de tours variables, selon la pioche), les autres de le tuer. De manière amusante, Jack peut gagner en rentrant se suicider chez lui. Et pour cette partie, c'est bien fait aussi mais c'est encore plus classique. C'est un jeu qui fonctionne correctement mais auquel il vaut mieux jouer pour l'ambiance que pour les mécanismes, et qui a l'avantage annexe de pouvoir se jouer jusqu'à huit (mais je soupçonne que ce soit un sacré bordel, le cas échéant).