Chroniques pourries, bouffonnes et croquantes.


Lu. Something Rotten, de Jasper Fforde.

La suite, tome 4, des aventures baroques et brillantes de Thursday Next, donc. Pour rappel, Thursday vit dans un monde qui ressemble de loin au notre, sauf que l'histoire ne s'est pas déroulée de la même manière, et elle travaille dans la police des livres. Celle qui agit à l'intérieur des livres, sur les infractions et évasions des personnages notamment. On la retrouve donc ici pour la suite de ses aventures, et un retour dans le vrai monde. Et je pense que finalement, c'est jusque là le meilleur de la série, d'assez loin d'ailleurs de mon point de vue. Ffforde a en effet non seulement trouvé son rythme, mais d'une part, il boucle ici sans vergogne de grosses trames et les relance avec brio (donc, de l'ampleur (toujours dans le n'importe quoi, mais avec de la tension et plein plein d'idées), et d'autre part, il fait bien plus de place à un commentaire politique satirique que j'ai énormément apprécié et qui est en filigrane tout le long du livre. Pour le coup, ça se rapproche de la qualité de certains Pratchett (ce qui est très flatteur de ma part). Autant les tomes précédents étaient plein d'inventivité et avait été d'une lecture plus qu'agréable, autant j'ai donc trouvé celui-ci un bon cran au-dessus. Maintenant, il ne faut pas pour autant commencer par celui-ci, vous auriez du mal à vous y retrouvez tant ça foisonne d'idées idiotes et de références. En prime, vous aurez de très beaux moments de Hamlet, mais aussi de Bismarck, et toujours des fausses pubs très réussies pour les diverses corporations présentes dans le livre.


Lu. Le bouffon des rois, de Francis Perrin.

Oui, Francis Perrin, oui, le même. Oui, il écrit. Non, pas tellement bien. Mais non, pas suffisamment mal pour que ça enterre ce bouffon des rois. Pour tout dire, le sujet choisi est quand même ce qui m'a convaincu, et en grande partie ce qui a fait que ça a raisonnablement marché me concernant. En effet, il s'agit de la vie de Triboulet, bouffon de Louis XII puis de François Ier, autant dire LE bouffon célèbre de l'Histoire de France. Bouffon au sens plein du terme : celui qui en toute impunité peut dire la vérité là où elle couterait la vie à tout autre, celui qui peut et doit désacraliser le roi, mais tout ça tant qu'il reste drôle. Rôle d'équilibriste donc, lorsqu'il est tenu par un fou aussi sage que fou, et rôle au coeur même de la cour et de ses intrigues et bassesses. Un sujet en or donc, et une manière aussi de retracer les grands moments des règnes de deux souverains à l'articulation du moyen-âge et de la renaissance. Le contenu, plutôt bien synthétisé d'ailleurs, est donc passablement plaisant et riche. Et le personnage, bien sur, attachant. Maintenant, et c'est la limite ici, Francis Perrin n'est pas un écrivain, et ses lacunes sont regrettables, au sens en particulier où il case une introduction et une conclusion l'incluant plus ou moins (ou en tout cas incluant un acteur en déprime à qui Triboulet va raconter son histoire par le biais d'une marionnette retrouvée dans un placard (et, oui, c'est aussi insipide et mal amené que vous pouvez l'imaginer, mais ce n'est pas bien long)); et au sens surtout où il est incapable de construire un dialogue un peu vivant, ce qui pour raconter un personnage sensé avoir de l'esprit et de la répartie créé un manque des plus regrettables. Au final, donc, un sujet qui aurait put donner une livre remarquable entre les mains d'un autre auteur et qui donne ici seulement un roman historique sympathique mais laborieux sur un personnage fascinant.


Lu. La sorcellerie aujourd'hui en France

Ce livre, grand format et très illustré, sur, donc, la sorcellerie aujourd'hui en France n'est pas une énième recueil de recettes et d'idées plus ou moins fumeuses mais bien un vrai boulot d'ehnologue. L'auteur a effectivement cotoyé et accompagné plusieurs sorciers et sorcières dans leur pratique quotidienne. Et participé donc, puisque sinon ce n'était pas vraiment possible de voir la chose de l'intérieur. Ce qui ne l'a pas empêché de garder toute la distance nécessaire, en témoignent les innombrables quillements parsement le texte (oui, parfois, c'est presque trop, en termes de confort de lecture, mais en même temps, c'est complètement nécessaire à l'honnêteté du propos). On y découvre donc qui sont les sorciers, la manière dont ils considèrent et justifient leurs pratiques, et ce à quoi ils les utilisent, en bien ou en mal. Et on voit donc apparaitre à quel point ces pratiques sont encore considérées comme efficaces voire normales dans un certain nombre d'endroits et de milieux (plutôt ruraux d'ailleurs mais pas exclusivement, même si les sorciers suivis sont de traditions "locales", pas de professeur Ousmane (mais le parallèle aurait été intéressant)). La majeure partie de l'ouvrage détaille donc diverses méthodes et préoccupations, avec donc beaucoup de photos d'objets de rituel, ainsi que des textes d'invocations en faux latin entre autre. Le portrait brossé est donc riche et intéressant. Maintenant, ce sont finalement les introductions et conclusions qui m'ont le plus intéressé, puisque c'est là que l'ethnologue prend du recul et propose une vision plus globale et une analyse du phénomène, ce qu'il fait donc certes rapidement mais fort bien. Au final, une lecture exotique et instructive, mais majoritairement descriptive.


Lu. Remarquable, n'est-ce pas ? de Robert Benchley.

Robert Benchley était un journaliste anglais, de la bonne société mais passablement foutraque. Bon, cette présentation ne vaut pas celle qu'il a rédigé lui-même, où il épouse une princesse royale et finit enterré à Westminster. Cet ouvrage regroupe un grand nombre de petits textes sur des sujets divers et variés. Il s'agit de chroniques et de réflexions, sans lien entre elles si ce n'est l'humour très anglais et décalé de l'auteur. Et c'est ce qui fait tout le plaisir de la lecture d'ailleurs. Je classerais volontiers Benchley dans la même lignée qu'Alexandre Vialatte ou Desproges. Dans un style différent certes, mais avec cette même élégance dans l'écriture et cette même liberté de sujet associée à une tendance à s'égarer au gré d'idées lui passant par la tête et de considérations humoristico-philosophiques. S'ajoute à ça la dimension très anglaise, et très bonne société du dix-neuvième, de Benchley. Et si les textes méritent d'être lus pour leur qualité propre, je trouve que le caractère un peu suranné de l'écriture comme des situations décrites ajoute encore un peu au plaisir qu'on y trouve. Une belle découverte donc, et un précurseur de ce genre de textes, il me semble.


Joué. Croc !

Croc est un petit jeu malin et efficace qui se distingue au final surtout par son matériel et son thème idiot. Thème que d'aucuns pourront trouver morbide puisqu'il s'agit d'une "course" de pirates après un naufrage, dans laquelle les trainards se feront bouffer bras et jambes jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un pirate en état de nager : celui-ci rejoindra la côte et emportera la partie. Sont donc fournis des pirates en plastique articulés aux membres détachables (avec des autocollants de vêtements et visages variés permettant de composer une équipe à son goût), et un requin, en plastique également, avec une machoire qui fat chomp-chomp. Au-delà de cet habillage fort réussi (là encore, je le repète, c'est une question de goût), il s'agit d'un petit jeu de cartes malin ressemblant finalement pas mal à Stupides Vautours. En très résumé, tous les joueurs disposent des mêmes cartes et vont en jouer une à chaque tour. Celui qui aura joué la carte la plus faible se fait manger un membre, ce qui n'aide pas donc. Mais, et c'est un grand mais, si deux joueurs ont joué la même carte, on considère qu'elles s'annulent, ce qui vaut donc encore moins que la plus petite carte (c'est en fait un peu plus fin mais c'est l'idée). Or donc, ne pas jouer la même carte qu'un autre, sachant que les cartes déjà jouées sont visibles. Bluff donc, et devinage dans l'air, avec suffisamment de finesses pour en faire en fait un jeu très tactique et mesquin si l'on est porté dans cette direction. Bonne surprise donc, que je vous conseille si, par exemple, vous n'avez pas Stupides Vautours.


Vu. Que ma joie demeure, d'Alexandre Astier.

En achetant Que ma joie demeure (oui, je suis un mauvais fan, je ne me suis pas bougé pour aller le voir en vrai), je m'attendais plus ou moins à une version longue du sketch qui a de fait donné naissance au spectacle. Au final, non. Mais je ne m'en plains pas. Non, parce que c'est beaucoup plus grave, beaucoup plus pensif et beaucoup plus éucatif aussi (sans le montrer du tout, notez, mais quand même). On retrouve bien sûr le ton Astier, et certains thèmes récurrents (en particulier la paternité, mais aussi bien sur la musique, et le génie/la supériorité/l'orgueil), mais dans un rythme et un ton moins léger et moins déconnant que précédemment. De fait, c'est un hommage à Bach et pas une parodie ou une satyre. On y parcourt donc non seulement des notions de musique, mais aussi beaucoup de choses sur Bach, sa famille, son environnement, ses questionnements et ses déprimes. C'est souvent noir, mais souvent drôle aussi, et c'est encore mieux quand c'est les deux à la fois. J'ai ri et j'ai été touché, c'est toujours bon signe. Et en prime, j'ai appris plein de choses. Un beau spectacle donc, qui arrive à user de l'humour pour faire passer beaucoup d'autre choses, ce que je trouve toujours admirable. Je vous le conseille donc, et je vous conseille également les bonus du DVD, qui complètent le contenu historique et technique (sans compter une rapide note de pure débilité signée Davy et Mr Poulpe qui m'a fait tout autant plaisir).


Vu. The Hobbit, de Peter Jackson.

Soyons honnêtes, trois heures de bonus de Seigneur des Anneaux, avec la même qualité visuelle, il y avait des chances que j'en ressorte content quelque soit la qualité du scénario ou de la réalisation. Et donc, c'est le cas. C'est beau, plein de paysages, de costumes, de batiments, de tout ce qui fait la Terre du Milieu. Donc, de base, je suis content, et, non, trois heures, je ne trouve pas ça long. Maintenant, de manière un peu plus critique, je dirais quand même que, me concernant, le fait d'avoir incorporé, et de manière assez efficace, les annexes du Seigneur des Anneaux et plein de références crypto-tolkiennesques aide beaucoup. En effet, sans ces ajouts, nombreux mais pas forcément compréhensibles par des non-fans, le scénario est quand même franchement léger, voire enfantin. Ce qui n'est pas une surprise, c'est justement tout à fait fidèle au livre, mais bon, du coup, en 9 heures, ça va quand même faire juste question contenu. D'ailleurs, je pense que ça fera juste, voire que ça fait déjà juste, pour tout ceux qui ne se réjouiront pas qu'on ait mentionné le Nécromant ou le nom de l'épée de Thorin Oakenshield. Contrairement au Seigneur des Anneaux, je pense donc que c'est un film pour fans, en attendant une version racroucie, mais c'est un bon film pour fans (et, oui, c'est assez paradoxal puisqu'on aurait pu penser que Bilbo se prêtait en fait bien mieux à un rôle d'introduction et le SdA a un truc pour fans pleins de détails superflus).