Chroniques pensantes, couronnées et périphériques


Lu. The peripheral, de William Gibson.

Je l’ai déjà dit, je le répète : je suis profondément impressionné par l’excellence de la production de William Gibson depuis plusieurs années. Je pense qu’il mérite le titre ronflant de maitre, au sens où ce qu’il produit est absolument maitrisé dans tous ses aspects, que ce soit sur la forme de l’écriture, le fond de son propos ou la tension et le rythme de sa narration. Et on peut y rajouter une dimensions réellement visionnaire dans la manière dont il arrive à projeter des évolutions crédibles et sensées à plus ou moins long terme, d’une manière extrêmement écalirante sur les enjeux actuels. En bref, oui, c’est un trrrès bon roman. Par contre, ce n’est pas de tout repos. Parce que oui, d’une part, l’écriture est dense et rythmée, donc ce n’est pas un livre à bouquiner avec une demi-attention, sinon on perds le fil en une demi-page. Pour autant, ce n’est pas lourd, c’est écrit de manière très vive et très rythmée. Très concrète aussi, au sens où, en peu de mots, Gibson arrive à brosser des personnages et des environnements crédibles, mais surtout vivants, habités, avec du grain, de la texture, quelque chose qui donne une impression toute opposée à l’anticipation froide et abstraite. Et puis, c’est prenant, du coup. Parce que les personnages sont prenants, parce qu’on a très envie en permanence d’en découvirr plus sur ces mondes qu’il imagine, et aussi parce que son scénario est plein de suspense, de surprises et de découvertes. Et, oui, en prime, l’histoire qu’il raconte est aussi un commentaire, une réflexion sur notre monde actuel et ses évolutions. Sans trop donner l’impression d’y toucher, ce que je trouve d’autant plus admirable. C’est de la science-fiction pour les moments où vous avez envie de réfléchir, d’être surpris et de vous prendre quelques claques, donc un peu à l’opposé d’aller voir un Star Wars, par exemple (soit dit sans méchanceté pour Star Wars, d’ailleurs), mais c’est de la science-fiction qui mérite cet effort parce qu’elle ne deçoit pas. Magistralement.


Lu. The Shepherd’s crown, de Terry Pratchett.

J’ai une vraie difficulté à chroniquer ce livre. Tout comme j’ai eu une vraie difficulté à me lancer dans sa lecture. Pour la même raison : c’est le dernier Pratchett. Tout court. Point. En ce qui me concerne, ce n’est pas rien, puisque, pour ceux qui suivent, Pratchett est un de mes auteurs préférés. Assez loin devant beaucoup d’autres. Pour son humanité, évidemment, mais aussi pour une élégance dans la manière de la vivre et de l’exprimer. Ce qu’il aura fait jusqu’au bout puisque c’est un livre qui parle de Tiffany Aching, bien sur, mais aussi de la mort d’un autre personnage, passablement important dans le Disque-Monde. Sans en faire des caisses accessoirement. De manière touchante mais très apaisée, très simple, et très espiègle. Ce qui est beau. Maintenant, il y a aussi autour de ça une histoire, des personnages, de l’humour, bref, du Pratchett quoi. Donc oui, c’est bien. De manière tout à fait détachée des considérations ci-dessus, ce n’est sans doute pas le plus lissé, le plus abouti ou le plus rythmé des romans du Disque-Monde, ou de la série Tiffany Aching d’ailleurs (mais c’est un peu la même chose). Pas au point de gacher quoi que ce soit ou de se remarquer pendant la lecture, notez, seulement après coup. Et ça ne gache rien en ce qui me concerne, parce que c’est une vraie belle fin, et que ça coupe court finalement à toutes les envies de chipotage qu’on pourrait avoir en d’autres circonstances. Je le relirai. Sans doute plusieurs fois, mais c’est une habitude depuis bein longtemps, déjà, avec certains Pratchett :)


Lu. Thinking, fast and slow, de Daniel Kahneman.

Alors attention, c’est plutôt un gros morceau : une synthèse des travaux et avancées en ce qui concerne le fonctionnement mental notamment autour de la prise de décision, par un prix Nobel. Dit comme ça, ça peut faire peur, mais c’est franchement abordable et tout à fait passionnant. Par contre, c’est dense, donc ça se lit plutôt tranquillement, par petits morceaux, et pas d’une traite. Enfin, en ce qui me concerne, en tout cas, sinon je n’aurais rien retenu. Et même là, je trouve franchement utile de reprendre ensuite pour me faire une synthèse. C’est d’ailleurs le premier très bon point, sur la forme, c’est découpé en petits chapitres cohérents avec une seule idée à chaque fois, et avec un petit résumé sous forme de phrases parlées et simple à la fin du chapitre. Le second bon point sur la forme est que c’est écrit dans un langage simple, et plutôt raconté et mis en contexte. Sur le fond, maintenant, c’est absolument passionnant mais aussi assez déstabilisant. A partir de la description des deux types de fonctionnement de notre cerveau (Système 1 associatif, rapide, et globalement inconscient, et Système 2 conscient, laborieux et critique), Kahenman donne des clés de compréhension de base essentielles. Et ensuite, il passe en revue la manière dont cette articulation créé dans certains cas des biais et des erreurs dans la manière dont on pense et prends des décisions, voire dans la manière dont on se pense. Puis, dans un troisième temps, il passe en revue le lien avec la pensée économique pour démonter entièrement l’idée de l’acteur économique rationnel théorique (ce qui en bonus me fait plaisir, mais c’est surtout pertinent et très éclairant, autant sur l’humain que sur les faillites de la pensée économique). L’ensemble est très solide, et très dense, mais ça fait du coup un aperçu très large et très marquant de ce qu’on comprend aujourd’hui de nos modes de pensée et de décision, et de tous les travers, majoritairement inconscients qui nous habitent. Chaudement recommandé donc.

En français : Système 1, Système 2, les deux vitesses de la pensée.


Lu. Men of tomorrow, de Gerard Jones

Men of tomorrow, c’est l’histoire de la génèse de l’industrie des comics américains. Et c’est beaucoup moins anecdotique qu’on pourrait le penser à première vue, parce que c’est justement traité ici comme de l’histoire, avec de nombreux, étonnants et riches liens avec l’histoire sociale et politique des Etats-Unis. On y découvre donc les tout débuts, avec assez rapidement Superman, et la manière dont ce personnage notamment, mais beaucoup d’autres aussi, naissent dans le creuset de l’émigration juive et des ghettos de New York, et de la place qu’y cherchent les jeunes agrçons de la seconde génération. On y découvre aussi comment cette forme nouvelle va trouver des appuis et des débouchés liés à l’industrie des pulps et de la pornographie, et donc avec la pègre américaine. C’est donc étonnant mais aussi une vraie découverte de tout un pan de l’histoire que je n’avais jamais regardé de très près. Et ce mélange entre l’histoire des comics eux-mêmes, de leurs auteurs, et de la société dans laquelle ils vivent a été très largement à mon gout. Je ne pense que j’aurais pris grand intérêt à une histoire interne des comics et de leurs personnages, alors que là, j’ai lu ça d’un bout à l’autre sans faiblir le moins du monde. D’autant qu’il y a aussi du suspense, ne serait-ce que dans les relations entre les auteurs et les éditeurs et la manière dont les cartes sont rebattues, pour des raisons personnelles ou institutionnelles à plusieurs époques. Et en termes de personnages, on a de quoi varier les plaisirs aussi, entre des auteurs parfois caricaturaux de geekerie et d’asociabilité, et des éditeurs liés à la pègre assez hauts en couleur. Je dirais que même pour des gens simplement curieux et pas du tout fans avérés de comics, ça fait une lecture tout à fait étonnante et très intéressante (Merci Caro).


Lu. Tiassa, de Steven Brust.

Oui, je vais faire court, parce que j’ai déjà pas mal parlé de tout le début de la série (Vlad Taltos) et de sa série parrallèle (The Viscount of Adrilankha), et que si vous ne vous êtes pas lancé dedans, ça ne va pas forcément vous avancer beaucoup plus d’entendre parler en détail de celui-ci. C’est donc la suite des aventures de Vlad, mais mélée d’échos et de personnages de sa série parrallèle. Donc, si vous voulez vous faire toute la série, vous vous arrêtez avant celui-ci pour lire la série parrallèle, et l’assemblage fonctionne très bien. C’est un très chouette épisode, avec une forme en mosaïque et des narrateurs différents, des époques différentes aussi, mais tout celà s’assemble donc parfaitement, avec toujours autant de rythme et de légèreté, mais toujours aussi un vrai scénario. C’est donc un retour en grande forme, qui remet tout ça en train dans une direction déjà annoncée mais néammoins motivante. Pour ceux qui se sont lancés dans la série, donc, les indicateurs sont au vert, ça continue très bien, avec du renouvellement dans la forme et les personnages, mais une direction d’ensemble toujours aussi chouette et une qualité qui ne faiblit pas.


Lu. L’histoire du FJEP La Métare, de Hugues Hippler

Oui, je peux avoir des lectures professionnelles variées et parfois surprenantes. J’ai donc eu la chance de me voir offrir cet ouvrage (Merci Karim) retraçant l’histoire du Foyer de Jeunes et d’Education Populaire de la Métare, à St Etienne. C’est une édition en petite série, mais c’est un travail de grande qualité. En effet, on y retrace tout d’abord l’histoire de ce quartier, qui était d’abord une commune aux marges du bassin stéphanois, sur la route du Puy, dans le froid et le brouillard, et qui est devenu au fil de l’industrialisation du bassin stéphanois un quartier progressivement populaire. Cette histoire même, pour qui a des origines stéphanoises tout au moins, est déjà tout à fait intéressante, mais l’urbanisation du quartier à partir de rien (de terres agricoles en fait) et son occupation par des populations très mélangées l’est encore plus. En effet, c’est dans ce cadre-là et à cette époque que se met en place, à partir d’une volonté partagée et d’une construction collective et progressive, une structure d’éducation populaire militante mais gérée et pensée par ses usagers. La manière dont s’est construite cette structure et l’impact qu’elle a eu et a toujours sur un tel quartier est tout à fait passionnante pour qui travaille dans ces champs-là. Qui plus est, les témoignages et hommages aux acteurs de cette histoire sont touchants et humains sans être larmoyants ou faciles. Au final, c’est une lecture agréable, facile et riche, et du coup presque insuffisante tant j’aurais voulu en savoir plus sur certains aspects et sur les évolutions récentes. Bon, dans mon cas, ce n’est pas très grave, je demanderais aux personnes concernées. En attendant, si le territoire ou le sujet vous intéresse, c’est une lecture tout à fait agréable.


Lu. Boneshaker, de Cherie Priest.

Cherie Priest est vendue comme une des figures incontournables du steampunk. Bon,je dirais méchamment qu’il n’y a de toutes façons pas non plus une concurrence colossale dans le domaine. Mais enfin, j’ai voulu essayer. Et, certes, c’est du steampunk, avec des bonnes choses, mais je ne suis globalement pas très convaincu. D’abord parce que c’est le coté steampunk qui me tentait et qu’au final, il n’est pas si présent que ça dans ce roman. Enfin, ça en est, c’est l’ambiance générale, mais on passe au final plus de temps dans des problématiques et des ambiances de zombies qu’autre chose. Et moi, hein, les zombies… Je trouve ça dommage d’ailleurs, parce que ce qu’on voit de cette amérique alternative a des cotés séduisants, avec des dirigeables et tout ce qu’il faut, mais on en profite peu. En plus de ça, j’ai trouvé la narration un peu lente, avec beaucoup de descriptions et de temps passé sur des choses pas très essentielles. Mais si on aime l’ambiance zombies, j’imagine que ça passe mieux aussi. Après, je ne dis pas que ce n’est pas bon, mais ce n’est en tout cas pas tellement à mon goût sur ce premier essai. J’en ferais peut-être un second un de ces jours, mais en m’assurant que c’est une intrigue dans une ambiance moins close et plus sur un sujet qui m’amuse.


Lu. Trop, de Jean-Louis Fournier.

Jean-Louis Fournier en a marre de l’excès permanent du monde, en particulier du monde commercial (mais pas que). Et il s’y attaque donc avec son style habituelle, en petits billets de une à trois pages, bien tournés et drôles, avec souvent une chute amusante. Et, oui, ça fonctionne, mais non, je ne suis pas persuadé qu’il y avait là de quoi faire tout un livre. Disons que ça donne quand même une impression de répétition, surtout quand on est convaincu dès le départ du propos. Accessoirement, si on ne l’est pas, je me demande si ça a un intérêt quelconque. Bon, après, ça se lit très vite et ce n’est pas désagréable. Juste, ça reste très anecdotique et on n’en garde pas vraiment de traces. Mais que ça ne vous empêche pas de lire du Jean-Louis Fournier, en commençant par “Il a jamais tué personne mon papa”, ou pas “Où on va papa” si vous voulez pleurer encore plus. Tout en riant d’ailleurs. Ne lisez celui-ci que si vous avez épuisé les autres et que vous voulez un petit rab.


Joué. Timeline challenge, de Frédéric Henry et Cyril Demaegd

Si vous aimez Timeline et que vous avez envie d’une version plus variée dans les modes de jeu, et plus adaptée à une partie en groupe en soirée (mais aussi un peu plus compétitive), Timeline Challenge est fait pour vous. Et bien fait. Avec des cartes très classiques de Timeline (encore que dans celles de la boite Challenge, j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de chiens ;), on se livre donc à différentes épreuves, dont bien sur remettre dans l’ordre, mais aussi mettre dans des intervalles, deviner la date (avec un décompte de points très permissif et donc sans retomber trop dans du jeu de sanction de connaissances), deviner l’écart entre deux cartes… Globalement, c’est malin, efficace et rapide, et le tableau ainsi que les petits tableaux individuels donnent une lisibilité et une ergonomie tout à fait confortables, même si certains se demanderont si c’était vraiment la peine d’en mettre autant. Pour les fans de Timeline, ça varie, et pour ceux qui ne connaissent pas, ça fait une découverte moins élégente et sobre, certes, mais aussi moins austère. Absolument pas indispensable, donc, mais si vous aimez le principe, ça fonctionne très bien.


Joué. Veritas, de James Ernest et Mike Selinker.

Dans Veritas, on est chacun détenteur d’une Vérité. Au moyen-Age. En France. Cette Vérité, on en fait des livres, ou plus exactement des copies du Livre, pour tenter de la répandre dans toute la France. Mais les monastères, ça brule. A une fréquence alarmante d’ailleurs. Et quand un monastère brule, son contenu est dispersé de manière un peu aléatoire. Sur ce pitch très réussi, une fois de plus, James Ernest et son acolyte construisent un jeu intriguant mais dont, après une première partie, on se demande quand même dans quelles proportions il est maitrisable. De fait, c’est un peu qui fait réfléchir, et de manière inhabituelle. Et c’est un jeu qui demande aussi de s’adapter et de saisir les opportunités. Mais vraiment, la proportion de hasard, voire de chaos, au fur et à mesure de l’avancée de la partie, est une peu déstabilisante. La part qu’on maitrise réellement n’est pas évidente. Et en même temps, ça donne envie de s’y reconfronter, juste pour voir. Ce qui serait parfait si c’était un peu moins long. En l’état, je pense que j’y retournerais, parce que c’est vraiment curieux, et parce que j’aime toujours beaucoup les idées de James Ernest (et en général ses jeux même si parfois l’idée est meilleure que le jeu), mais je ne suis pas sur de pouvoir vous le recommander.


Joué. Port Royal, de Alexander Pfister

Quand Maël nous a apporté Port Royal (Merci Maël), je n’ai pas été immédiatement impressionné : c’est une petite boite, avec des illustrations pas vraiment séduisantes, et juste un paquet de cartes avec des bateaux et des personnages (oui, parce que c’est un thème pirates et exploration du nouveau monde). Mais j’ai essayé. Et puis on a enchainé cinq parties. Donc effectivement, c’est un très bon jeu. Un petit jeu, qui se joue en une petite demi-heure, mais un jeu fluide et agréable auquel on a envie de rejouer, pour tester autre chose, pour voir si on va avoir un peu plus de chance aussi. Parce que c’est un jeu de chance pour une part. Plus exactement, c’est un jeu de stop ou encore : à son tour, on retourne des cartes du talon, tant qu’on veut, et plus on en retourne, plus on aura de choix. Mais si on révèle deux bateaux de la même couleur, tout est perdu, et on passe au joueur suivant. Sur cette base, on trouve un système de décompte des sous simple et élégants, des personnages avec des pouvoirs variés (et qui pourraient sembler déséquilibré mais comme les parties sont potentiellement très rapides, je pense qu’en fait non). C’est jouable avec un peu n’importe qui, c’est fluide, c’est rapide, c’est bien.


Joué. Cacophony, chez Djeco

Cacophony est un de ces jeux pour enfants qui sont en fait tellement cons qu’on s’y amuse vraiment entre adultes, pour peu qu’on ne se prenne pas trop au sérieux. Pour peu qu’on ne se prenne pas du tout au sérieux en fait. C’est un jeu coopératif, dans lequel un joueur à les yeux bandés, et doit maneuvrer un baton au milieu d’un forêt d’arbres en carton ayant une forte tendance à tomber lorsqu’on les rencontre. Et, bien sur, c’est mal. Pour guider leur petit camarade, les autres joueurs vont pousser des cris d’animaux, chacun de ces cris étant attribué à une direction. C’est très bête, c’est très drôle, j’aime beaucoup. Et accessoirement, outre la coopération, l’écoute et l’ambiance crétine, il y a aussi une petite part de mémoire pour celui qui écoute. Alors, certes, on y rejouera pas des heures, mais si vous tombez dessus en ludothèque, en bar à jeux, ou que vous voulez faire des animations rigolotes, notamment sur des jeux coopératifs, c’est un choix tout à fait adapté.


Joué. The game, de Steffen Benndorf.

Il y a des jeux avec des illustrations moyennes, pas bien finies, et puis il y a des jeux laids. Non que le graphisme de The Game soit mal dessiné, juste le choix graphique m’est incompréhensible. Peut-être qu’ils visaient un public de gothiques… auquel cas je ne vois en tout cas pas le moindre rapport avec le jeu. Qui, de fait, est très bon. Très simple, mais très bon. C’est un jeu coopératif, extrêmement sobre : c’est une sorte de patience, mais à plusieurs. Le jeu comporte 98 cartes, numérotées de 2 à 99, qu’il va falloir réussir à toutes caser (idéalement, mais en tout cas d’en garder le moins possible à la fin) sur quatre piles, deux qui descendent en partant de 100, deux qui montent en partant de 1. Chacun joue deux cartes à son tour, on peut se parler mais pas se dire ce qu’on a en main, et surtout, c’est la seule astuce mais c’est important : on peut aller à rebours d’une pile si on joue une carte dont la valeur est exactement supérieure ou inférieure de 10 à celle présente. C’est tout, mais ça fonctionne très bien. Et c’est expliqué en deux minutes maximum, et en ce qui me concerne, ça a souvent une certaine importance. Je ne promet pas que ça ait une durée de vue extraordinaire, mais en même temps, on y revient, et puis c’est pas comme si c’était un gros investissement. Dernier avantage : une fois qu’on joue, on ignore absolument les illustrations, et tant mieux ;)

As d’Or de cette année, Colt Express a une très bonne réputation, et ce n’est carrément pas usurpé. Colt Express est un excellent jeu, drôle, fluide, très immersif et très accessible tout en ayant un mécanisme de jeu qui satisfera complètement les vrais joueurs. Avant tout, et ça mérite d’être souligné, Colt Express est un jeu avec un thème et une ambiance forte : on a envie d’y jouer juste pour ça, on va attaquer un train en plain far-west, se tirer dessus et essayer de repartir avec le magot. Oui, vous êtes la bande de hors-la-loi qui rattrape le train à cheval pour le dépouiller. Et le train est bien là : en volume, en couleurs, de quoi déplacer ses pions dans les wagons et sur les toits. Et dans ce train, chacun va se déplacer pour dépouiller les voyageurs, tirer sur ses petits camarades et essayer de remonter jusqu’à la loco pour voler la précieuse malette protégée par le Marshall. Vous êtes dans l’ambiance, c’est bon ? Pour faire tout ça, c’est de la programmation : chacun prépare ses actions (visibles par les autres joueurs sauf dans les tunnels) et ensuite on les révèle dans l’ordre. Les actions des autres joueurs pouvant perturber vis plans, on essaie d’anticiper ou, au pire, de limiter les dégats. C’est, et ce n’est pas rien, un système de programmation facile à prendre en main, rapide, et pas punitif (on peut foirer sa programmation et s’en sortir sans trop de mal). De manière générale, c’est un jeu auquel on peut jouer avec plaisir tout en perdant, parce qu’il n’est pas grave de se faire tirer dessus, parce qu’on compte les soux à la fin et que de toutes façons on s’est bien amusés. Non, vraiment, c’est une réussite à tous points de vue, à tester entre joueurs, en famille, pour faire découvrir à des amis. Hiiiiya, donc.


Loony quest, de Laurent Escoffier

Loony quest est un de ces jeux étranges dont le principe même fait que je les aime bien. L’idée de base est : un tableau est présenté à l’ensemble des joueurs (sur un thème tableau de jeu vidéo de plateforme), chacun trace sur un plateau transparent le trajet qu’il va faire, puis chacun superpose son parcours au tableau et on voit ce qui se passe (qui percute les murs, qui passe bien par les bonus, etc). Donc, du repérage dans l’espace, du tracé (en temps limité) et la surprise de voir si on s’en sort. Certes, c’est un jeu dans lequel chacun joue tout seul, et se confronte surtout à l’exercice bizarre proposé dans le jeu. Mais l’habillage jeu vidéo et les régles de décompte introduisent assez de thèmes et de rebondissements possibles pour que j’accroche et que j’y prenne vraiment plaisir. Et c’est un plaisir qui, en tout cas pour de premières parties, sera à mon avis largement partagé. Reste ensuite la question de l’intérêt d’y rejouer régulièrement une fois qu’on s’est amusé à tester le principe… il y a certes de nombreux niveaux de plus en plus ardus et variés, mais je ne suis pas sur que la durée de vie soit si grande que ça. Pour les vrais fans, peut-être, mais sinon, je ne suis pas sur. Bon, dans mon cas, pour faire de l’animation, ça va rouler sans problème, mais pour avoir chez soi à long terme, j’ai quelques doutes. Maintenant, ça vaut le coup de le tester quand même si vous en avez l’occasion.


Busytown

Busytown est un jeu pour les petits, voire les tout petits, une fois n'est pas coutume. Tout d'abord, c'est un jeu basé sur les illustrations et l'univers de Richard Scarry, et personnellement, c'est ce qui m'a fait m'y intéresser. D'autant qu'on peut dire que les illustrations sont mises en valeur : le plateau mesure deux mêtres de long et représente la ville Busytown, avec une foule de détails, comme toujours chez Richard Scarry. Bref, quand on aime ses illustrations, on est pas déçus. Sur ce plateau géant, on va tenter d'arriver à l'ile des pique-nique avant que les cochons n'aient tout bouffé. Mais on va faire ça ensemble puisqu'il s'agit d'un jeu coopératif. Et là, on peut s'inquiéter tant il est rare de réussir un jeu coopératif pour enfants, en termes de mécanismes, mais, et c'est là que je suis définitivement conquis, le mécanisme est simple et bon. Le cœur du truc c'est que régulièrement, on doit tous ensemble chercher le plus d'exemplaires possibles de tel ou tel petit objet ou élément sur le plateau géant. Et en plus, on a de petites loupes en plastique pour désigner les objets qu'on trouve. C'est un peu Où est Charlie ? mais varié et ensemble sur un plateau magnifique. Franchement, pour faire de l'animation, c'est parfait, mais je pense que pour jouer chez soi avec des enfants pas trop grands, c'est impeccable aussi.


Welcome to the dungeon, de Masato Uesugi

Tout petit jeu de poche, dans la nouvelle gamme de Iello, Welcome to the dungeon est étonnant, parce que ce n’est pas un si petit jeu que ça. Enfin, si, c’est une série de cartes et de jetons, mais je pense que pour profter pleinement, il faut un peu de pratique, et un vrai gout pour les jeux d’enchères. Le thème est rigolo, même s’il est un peu artificiel et étrange : un aventurier va partir explorer un donjon, et chacun va remplir le donjon et dépouiller le héros jusqu’à ce qu’un joueur seul reste en lice et emmène le héros, légèrement équipé, affronter un donjon plus ou moins bien rempli. De manière pas très intuitive, donc, il s’agit d’un jeu d’enchères inversées : qui osera enlever encore un équipement, ajouter encore un monstre, en pensant que ça va faire peur aux autres mais que ça peut passer quand même. Ce qui implique donc une dose de bluff et de pousse-au-crime. Et avec une mécanique pas complètement intuitive, donc pas si simple à lire, ça fonctionnera bien une fois le coup pris, et pour des joueurs qui aiment ce type de mécanisme de bluff/enchère/prise de risque. Si c’est une combinaison qui vous plait, il y a là un jeu qui mérite l’essai, rapide et tendu, sinon, ce n’est sans doute pas la peine de faire juste une partie, il y a peu de chances que vous y trouviez votre compte.