Chroniques vertes, transitionnelles et informatiques.



Lu. Green Zone. De Rajiv Chandrasekaran.

Green Zone, récemment adapté en film de semi-fiction, est un livre documentaire réalisé par un journaliste qui a passé plusieurs années en Irak, pendant l'occupation américaine. Il y raconte la manière dont les occupants américains se sont installés et ont administré le pays, de manière documenté, à partir de son témoignage propre mais aussi des interviews et interventions de nombreux protagonistes (majoritairement américains mais pas uniquement, loin de là). Et, comment vous dire... on m'aurait proposé ça comme roman de fiction, j'aurais trouvé pas tellement réaliste, parce qu'être à ce point affairiste, incompétents et arrogants, quand même, à une telle échelle, il ne faut pas exagérer. Sauf que si, ça s'est vraiment passé comme ça : l'administration américaine d'occupation a atteint des sommets difficilement imaginables, d'abord dans le choix de responsables et d'intervenants totalement incompétents mais fidèles républicains du bord droit, dans les oppositions internes entre le Département d'Etat et la Défense (et les diverses autres factions politiques du gouvernement), ensuite dans la méconnaissance absolue du pays et de la région (et l'absence complète de volonté de la découvrir et de s'y adapter), et enfin par la paranoïa et l'enfermement complet des forces américaines dans la fameuse Zone Verte (dont même les personnels civils n'ont rapidement plus pu sortir pour aller voir ce qu'il se passait sur le terrain et rencontrer les irakiens, ce qui, pour mettre en place un gouvernement et reconstruire un pays donne forcément des résultats merveilleux). Bref, la chronique d'un désastre dans des proportions difficilement croyables mais suivant pourtant une logique d'intérêts politiciens et d'aveuglement inébranlable. C'est écrit de manière très lisible et agréable, ça passe tout seul, si ce n'est que ça donne vraiment envie de vomir, ou de bastonner un certain nombre de responsables, selon votre humeur du moment.


Lu. I shall wear midnight. De Terry Pratchett.

Ouaip, encore, et cette fois pour le quatrième tome des aventures de Tiffany Achings, série pour jeunes lecteurs donc. Or donc, Tiffany grandit, et va continuer à devoir faire face à son statut de sorcière, mais surtout à la défiance de la population et l'isolement de ce rôle. Du fait du thème, c'est forcément un peu plus sombre et moins pétillant que les précédents, et comme en plus, on est dans l'adolescence, voire le début de l'age adulte, et plus dans l'enfance, ça joue aussi. De manière générale, c'est encore une fois du bon boulot, avec des passages très drôles et d'autres très émouvants. Maintenant, je ne suis pas absolument persuadé par le rythme d'ensemble ni la manière dont l'intrigue se met en place et se résous. Disons qu'on est dans un entre deux entre un scénario fantastique et un scénario social basé sur l'image des sorcières et les réactions de gens, et du coup, même si les deux sont biens, ils sont tous les deux frustrants de ne pas être traités pleinement. Mais ça n'empêche pas de retrouver des personnages touchants et attachants, ainsi que des nouveaux, et de nombreux bons moments. Je me dis juste que pour tout traiter correctement, il aurait été mieux de réduire la voilure, ou alors de faire une bonne centaine de pages de plus. Bref, à lire sans grande hésitation si vous avez lu le reste de la série, sinon, vous pouvez commencer au début, et vous apprécierez quand même celui-ci sans problème quand vous y arriverez.


Lu. Transition. De Iain Banks.

Transition est un roman à ranger dans la catégorie « multivers », c'est-à-dire dans un monde composé de nombreux mondes, de nombreuses versions alternatives de la même réalité, tous accessibles à certaines personnes, et comprenant ici notre monde. Et ces personnes capables de passer d'une version à l'autre sont organisés en une sort de gouvernement aux objectifs qui vont justement être discutés. Voilà pour les bases. Et sur ces bases, Banks construit une sorte de grand bordel dans lequel il est parfois difficile de se retrouver, et donc je me demande encore si il n'aurait pas mieux fallu faire quelque chose de plus cohérent et de plus facile à suivre. En effet, on suit un certain nombre de narrateurs, dont les liens ne sont pas forcément très clairs, avec une intrigue de fond qui, si elle retombe sur ses pattes au final, n'est pas non plus d'une clarté absolue pendant tout le roman. Maintenant, c'est bien écrit et les personnages sont plutôt prenants, et, surtout, Banks case un nombre important de réflexions fondamentalement politiques, et parfois philosophiques dans tout ça. Et ces réflexions sont souvent très très intrigantes et prenantes, et donne de quoi réfléchir de manière très bienvenue, notamment autour de thèmes politiques contemporains et généraux. Mais ça reste confus et un peu tout mélangé. Alors si vous acceptez de vous faire balader dans tous les sens, ça a des chances de vous plaire, parce qu'il y a plein de bonnes choses, mais si vous n'aimez pas être sans repères dans un truc dont on se demande longtemps où il va, ce n'est sans doute pas un livre qui vous conviendra.


Lu. Apostille au nom de la rose. De Umberto Eco.

Plus que d'un complément au roman qui en approfondirait certains aspects et qui répondrait à des questions précises, Eco propose ici, dans un texte assez court, des réflexions de fond sur la manière de construire un roman et les choix qu'il a fait. Dès le début, il est clair qu'il ne répondra pas précisément aux questions concernant le roman, puisqu'au contraire, il veut laisser les lecteurs libres de construire leur propre sens. Maintenant, il donne des clés importantes, non seulement sur ce roman mais sur son approche littéraire en général, ses choix et sa manière de construire un roman, ce qui m'a beaucoup intéressé. Comme c'est écrit de manière agréable et que c'est largement documenté et argumenté, avec notamment des analyses très intéressantes en termes d'histoire de la littérature et de l'écriture, ça ressemble plutôt à un travail d'universitaire, ce qui est le cas, mais en restant très lisible. Bref, pour les fans et/ou ceux que la littérature intéresse en général et Eco en particulier, c'est une bonne lecture assez rapide qui vous donnera sans doute un peu de grain à moudre.


Lu. Love Blog. De Gally et Obion.

Gally et Obion sont amoureux et ils aiment le sexe. Comme ils ont tous les deux illustrateurs et que leur relation a commencé à distance, ils ont commencé par se créer un chez eux sous forme de blog pour parler de leurs désirs et de leurs fantasmes. Comme c'est le cas pour les blogs qui fonctionnent et qui sont fait avec un minimum de talent, c'est devenu un vrai livre que voilà. En résumé, c'est de l'humour et du sexe. Mais pas du sexe aux traits lissés et stéréotypés, sans odeurs et sans chair, du sexe au contraire avec tout ce que ça a de maladroit, de passionné, de vivant, de fantasmé et de drôle. C'est sans doute ce que je préfère au final dans leur approche : le fait que non seulement ce soit drôle mais surtout que ce soit vivant et plein des détails dont on ne parle jamais dans les dessins ou histoires trop lisses et éloignées de la réalité. Et comme en plus, c'est réalisé à deux, on a des points de vue féminins autant que masculins, et sans que l'un ou l'autre tombe dans la caricature ou la niaiserie, et ça, ça fait du bien aussi. Vous pouvez aller jeter un oeil, ou plus, sur le blog, puisqu'il est toujours vivant et plein d'archives, pour vous faire une idée.

http://love-blog.fr/



Vu. The IT Crowd, Saison 1, 2 et 3. De Graham Linehan.

The IT Crowd est devenu ma série geek de référence. Pour que vous puissiez situer rapidement, il s'agit de la vie de deux geeks (responsables du service informatique d'une entreprise anglaise dont on ne connaitra jamais la fonction) et de leur responsable (qui, elle, n'est pas une geek du tout). Donc, en gros, la même base que Big Bang Theory, sauf que c'est anglais et que c'est écrit par un des auteurs de Father Ted (si vous n'avez jamais vu Father Ted, vous avez raté quelque chose d'exceptionnel). Du coup, c'est beaucoup beaucoup plus n'importe quoi, ça part dans tous les sens, et ça en fait des caisses. Mais en bien, et de manière vraiment très très drôle, même si c'est souvent d'un goût douteux (mais tant mieux, ça fait du bien aussi). C'est de fait beaucoup moins lisse et poli que Big Bang (et que la plupart des séries), avec un trait beaucoup plus marqué, souvent caricatural, mais un humour très anglais, très efficace et qui me convient vraiment très bien. Les saisons sont particulièrement courtes, six épisodes chacune, mais au moins les épisodes sont tous de qualité. Non, vraiment, the IT Crowd, c'est à voir, et à revoir, parce que malgré toutes les comparaisons que j'ai pu faire, ça ne ressemble pas à grand chose d'autre (si, si, à Father Ted, mais c'est un très grand compliment).