Chroniques dickensiennes, perplexes et chronologiques.



Lu. Drood. De Dan Simmons.

Dan Simmons écrit toujours aussi bien. On sent qu'il maitrise parfaitement ce qu'il fait. Comme il s'agit ici d'une histoire se déroulant dans l'Angleterre de la fin du dix-neuvième siècle, et narrée par un auteur de l'époque, son style s'y adapte. Avec talent donc, même si on peut ne pas être non plus complètement séduit par ce type d'écriture. Dans mon cas, en termes d'écriture, non seulement ça fonctionne, mais je suis également assez impressionné. Au-delà de cet aspect de forme, cependant, je ne suis pas complètement emballé par le scénario lui-même. Le narrateur est Wilkie Collins, auteur célèbre à l'époque et proche de Dickens, opiomane, menant une vie dissolue (pour l'époque, hein), jaloux (de Dickens surtout) et complexe. C'est par son récit qu'on va suivre Dickens pendant ses dernières années, et un personnage fantastique, incarnation du mal (ou pas) qui fascine et terrifie le narrateur, entre autre. Maintenant, il ne s'agit pas réellement d'une histoire fantastique : le propos concerne plutôt l'obsession des deux auteurs pour ce personnage, leurs relations, et une peinture de leurs parcours et de la société anglaise de l'époque. Tout cela est mené avec talent, et l'ambiance est prenante et riche de détails et de moments tour à tour poignants et amusants. Mais, si la fin est astucieuse et bien amenée, elle m'a quand même laissé une impression mitigée. Ce qui est une partie du propos finalement, et qui est tout à fait justifié, mais après un volume aussi important, quand même, je reste un peu sur ma faim. Maintenant, si vous vous intéressez à Dickens en particulier et à son époque en général, vous trouvez dans ce livre très largement de quoi vous satisfaire. Si par contre, ce genre de thématiques ne vous accroche a priori pas plus que ça, vous resterez probablement un peu sur votre faim, voire vous vous sentirez un peu floués. Donc au final, c'est un très beau livre, bien écrit, bien construit, mais qu'il ne faut pas prendre pour un roman fantastique ou un roman à suspens, mais bien comme un roman historique concernant Dickens et ses dernières années.


Lu. Opération Banlieues. De Hacène Belmessous.

Sous-titré « Comment l'État prépare la guerre urbaine dans les cités françaises », Opérations Banlieues n'est pas, vous vous en doutez, un livre particulièrement réjouissant. Mais c'est un ouvrage qui mérite très largement la lecture, si vous avez le courage. En se basant sur un vrai travail d'investigation sur la durée, Hacène Belmessous décrypte effectivement les différents aspects des politiques actuelles en direction de banlieues et ds cités. Et particulièrement sur les aspects les moins publics de ces politiques, c'est-à-dire la préparation des forces de police, mais aussi des forces armées à des interventions armées en cas d'éruption de violences. Cette guerre civile étant perçue comme inévitable par un certain nombre de responsables politiques, ce qui est par ailleurs parfaitement cohérent avec les politiques de retrait des interventions sociales et d'isolation des banlieues, qui ne font que préparer, effectivement, à des revendications désespérées et violentes. Il est notamment parfaitement terrifiant de voir à quel point ces doctrines sécuritaires, malgré une absence quasi-totale de résultats probants, sont devenues incontournables et indiscutables. Sur deux points en particulier : la vidéo-surveillance, ce qui est connu, et l'ANRU, c'est-à-dire l'organisation de financement du renouvellement urbain, qui finance uniquement des programmes de démolition pilotés pour permettre spécifiquement une intervention armée plus facile et plus efficace. Ce qui est un peu rassurant, par contre, c'est de voir que les responsables, notamment militaires, sont très critiques par rapport à ces perspectives d'intervention sur le territoire national, et que d'autre part, il existe aussi un mouvement de médiation sociale qui, même si il est peu soutenu, donne des résultats autrement plus encourageants. Bref, un très bon bouquin si vous voulez avoir peur et réfléchir sur des politiques actuelles qui donnent envie de hurler.


Pas complètement lu. Mr. De Emma Becker.

Il est assez rare que je ne finisse pas un livre, mais depuis le temps que celui-ci traine sur mon étagère, avec un marque-page au tiers, et que je n'arrive pas à m'y remettre, je me suis décidé à en faire le deuil. Mr est donc un roman qui a eu pas mal de presse lors de sa sortie, notamment du fait que l'auteure est jeune et qu'elle parle de sexe. Et qu'elle écrit bien, aussi, ce que pour le coup, je ne peux que reconnaître. On a présenté le livre comme le pendant de Lolita, la même chose mais vu du coté de la jeune fille. Ce qui n'est pas faux, au final, puisqu'effectivement, il s'agit d'une histoire d'amour, et de sexe, entre une jeune fille et un homme plus âgé. Maintenant, au-delà du fait que, même si elle écrit bien, je trouve assez exagéré de la comparer à Nabokov (il y a de la marge, quand même), c'est un point de vue que j'ai trouvé assez vite inintéressant. De fait, les états d'âme et les pâmoisons d'une jeune parisienne trop amoureuse d'un homme âgé et découvrant le sexe dans une relation déséquilibrée et complexe, ce n'est pas vraiment quelque chose qui me parle. J'imagine qu'en moi, la jeune parisienne faussement dévergondée et se voulant provocatrice n'a jamais existé ou bien est morte d'anémie depuis un petit moment. Bref, sans m'attarder plus, c'est un roman certes bien écrit, sur un sujet que certains pourront apprécier, mais qui n'est pas un chef d'œuvre qui convaincra tout le monde, et particulièrement pas ceux que ce type de personnage laisse indifférent (ou irrite, ce qui est possible aussi).


Joué. Perplexus. De Michael McGuinnis.

Perplexus est une drogue. Bon, c'est une drogue destinée uniquement au genre de maniaques pour qui les labyrinthes à bille et autres défis idiots sont une occupation plaisante. Pour les autres, ce sera juste une curiosité, mais ils ne pourront pas s'empêcher de s'y essayer quand même, au moins un peu, pour voir quoi. Perplexus est donc un labyrinthe à bille, mais, vous savez, les trucs à plat, en bois, avec des molettes dans lesquels vous essayiez de guider une bille sans qu'elle tombe dans les nombreux trous. Sauf que c'était frustrant parce qu'avec les molettes, ça ne réponds jamais comme on voudrait. Ben voilà, c'est corrigé, Perplexus vous propose la même chose, mais en 3D, et en manipulant directement avec vos petites mains. Vous mettez donc la bille au point de départ et ensuite, en tournant et inclinant l'ensemble du bidule, vous essayez de la faire parcourir le plus de trajet possible sans la faire tomber. Il y a cent étapes, et, forcément, au début, c'est facile. Après, moins. Mais, et là encore, c'est une fort bonne idée, il y a deux checkpoints qui vous permettent de reprendre pas trop loin de là où vous étiez tombé, et donc de ne pas refaire mille fois tout le trajet du début (qui est facile, donc on a pas tellement envie de le refaire mille fois). Pour les joueurs clients de ce genre de choses, c'est une grande réussite et ça vous occupera plusieurs heures (après, vous commanderez le modèle Epic, qui n'est pas encore disponible en France, et qui est bien plus difficile). Mais, et c'est aussi ça qui est sympa, c'est de toutes façons intrigant et tentant pour tout le monde, ce que vous constaterez facilement en le laissant trainer dans votre salon par exemple (mais soyez prêt à ce que certains de vos invités soient un peu absent de la conversation, par contre). Vraiment, c'est un truc à essayer, promis. (Accessoirement, il y a aussi un modèle simplifié pour enfants mais je ne sais pas ce qu'il vaut (alors que je peux vous dire que le modèle Epic tient ses promesses, par exemple)).


Joué. Mundus Novus. De Serge Laget et Bruno Cathala.

Mundus Novus n'est pas un mauvais jeu, mais c'est un jeu qui ne m'a pas convaincu. Au vu du palmarès des deux auteurs, vous ne serez pas étonné si je vous dit que c'est un jeu qui fonctionne, qui a été testé et équilibré, et dont les mécanismes permettent effectivement de vraies stratégies. La base du jeu est le mécanisme de commerce de Mare Nostrum, pour ceux qui situent, donc plutôt une bonne idée originale. Maintenant, vient se greffer là-dessus pour arriver à Mondus Novus tout un tas d'options, de cartes autres que les marchandises et de règles. Sans doute trop, tant le résultat m'a donné une impression de manque de rythme mais aussi d'un certain fouillis. Disons qu'à force de récupérer des cartes avec des pouvoirs en plus (nombreux, ce qui pour les premières parties, n'est pas forcément facile à lire et à retenir), d'une part on n'a plus une vision très claire d'où on va, d'autre part, on n'a plus vraiment la possibilité de suivre ce que font les autres joueurs. Ce qui fait que l'aspect stratégique et calculateur qui aurait pu faire l'intérêt de ce mécanisme central d'échanges est en grande partie perdu. Du coup, on échange finalement sans but très précis, en essayant de faire au mieux à chaque tour, voire en suivant la stratégie qu'on s'est donné, mais sans arriver à vraiment tenir compte des autres. Ce qui est un peu dommage et laisse une petite impression d'enchainer des tours de jeu qui se ressemblent et qui n'ont pas beaucoup de tension ou de surprises. Maintenant, oui, ça fonctionne, et en y jouant de manière répétée, on doit pouvoir arriver à profiter pleinement des possibilités stratégiques et des interactions. Au-delà de ça, c'est un très joli jeu, avec des illustrations très réussies, mais on joue finalement sans en tenir beaucoup compte, et on se réfère plus au numéro qu'au illustrations ou aux noms des marchandises, ce qui limite là aussi l'immersion. Au final, comme je disais, ça ne m'a pas convaincu, mais ça mérite sans doute d'être essayé si vous aimez ce que font Bruno et Serge habituellement.


Joué. Skylanders.

Un petit jeu vidéo pour changer des jeux de plateau : Skylanders. Skylanders est un jeu d'exploration/plateforme destiné en premier lieu à un public jeune (à partir de 7 ans, dit la boite), mais pas que. Je ferais volontiers une comparaison avec Mario : il va falloir sauver le monde en parcourant différents niveaux dans lesquels il faudra tabasser des monstres (aux têtes idiotes), résoudre des énigmes et des casse-tête (à partir de 7 ans, donc ils sont sympas et variés mais ils ne devraient pas vous faire trop mal à la tête non plus), et faire preuve d'adresse pour éviter des pics, des trous et sauter de plateforme en plateforme. Les niveaux sont variés, jolis, et très agréables à parcourir. Et l'aspect exploration n'est pas anecdotique tant il y a des recoins et trucs cachés qu'on rate très facilement lors du premier parcours. Au-dela de ça (qui fait cependant déjà un bon jeu), il y a le portail et les figurines. Car, oui, Skylanders est un jeu qui innove et qui n'est pas qu'immatériel. Avec le jeu, il y a un portail magique et des figurines (trois au départ). Et lorsqu'on met une figurine sur le portail, c'est ce personnage qui apparaît à l'écran et qu'on peut jouer. Et on en change simplement en changeant la figurine présente sur le portail. Déjà, c'est magique. Ensuite, les personnages sont très sympas, et se manient différemment ce qui permet de choisir à chaque fois le plus adapté à la situation. Et enfin, ils servent de sauvegarde, donc l'expérience, les objets (des chapeaux uniquement, mais ils sont top classe) et autres personnalisations sont stockés dessus et, pour aller jouer chez un copain, vous emmenez juste la figurine et vous retrouvez votre personnage tout comme chez vous (oui, même si vous n'avez pas la même console). C'est un peu gadget, certes, mais je trouve ça terriblement séduisant (d'autant que le jeu est bon, et plein de clins d'œil pour adultes, un peu à la Pixar). Maintenant, il faut reconnaître qu'il encourage le coté collection et que vous ouvrirez des zones complémentaires si vous achetez des figurines en plus. Ce n'est pas fait de manière trop insistante, mais quand même, c'est bien l'idée, et si vous tombez dans le piège un peu fort, ça revient cher comme jeu. Et, pour finir, oui, c'est très adapté pour jouer à deux (avec un enfant par exemple (ou pas)).


Joué. Chronicards et Timeline évènements. De, respectivement, Frédéric Henry et Grégory Pailloncy.

Je vous avais déjà parlé de Timeline pour ses premières éditions, qui concernaient les inventions et les découvertes, et voici qu'arrive la troisième boite, concernant les grands évènements historiques. Et qu'en parallèle est publié une série de jeux intitulés Chronicards, sur le même principe, mais concernant uniquement les événements historiques et destinés plus spécifiquement au monde scolaire. Le principe, donc, est toujours le même : une série de cartes qu'on va essayer de remettre dans l'ordre, en plaçant chacun son tour une carte parmi celles déjà placées. Ici, toutes les cartes représentent donc de grands moments de l'histoire. Et, oui, ça marche vraiment bien pour un jeu de connaissances, c'est simple et efficace, et on joue avec plaisir. Et je pense que c'est efficace aussi pour un usage de médiation ou d'enseignement. Quelles différences maintenant entre ces deux jeux basés strictement sur le même principe ? D'abord, Chronicards est plus difficile à trouver et il faut le commander en ligne. Il est moins joli, aussi, même si ses visuels sont tout à fait corrects. Disons simplement que Timeline bénéficie d'une qualité d'édition un peu supérieure et d'illustrations uniformes et de meilleure qualité. Par contre, Timeline ne donne, pour chaque événement, que le nom et la date, pas d'explications supplémentaires. Si vous êtes curieux, du coup, et que vous trouvez frustrant de ne pas trop savoir ce que signifie tel ou tel événement, ça peut être un peu frustrant (alors que ça l'était moins pour les inventions par exemple). Chronicards, au dos des cartes, donne une description de l'évènement et de son importance. Pour finir, je trouve les sélections d'évènements plutôt bonnes dans les deux cas, avec des efforts pour ne pas se cantonner à un point de vue trop centré sur l'occident notamment (même si ce n'est pas parfait, loin de là). Et cette diversité rend du coup le jeu intéressant pour tout le monde parce qu'on découvre des choses inattendues (dans le cas de Chronicards, c'est moins vrai pour les paquets calés sur les programmes scolaires, forcément, mais ce n'est pas destiné au même usage non plus). Bref, deux jeux qui se ressemblent, certes, et qui sont tous les deux de bonne facture, mais qui ne se concurrencent pas complètement puisque l'un est plus destiné à jouer rapidement et l'autre plus approprié à l'enseignement ou, et c'est mon cas, à ceux qui se sentent frustrés de ne pas avoir d'informations complémentaires en jouant à un jeu avec ce type de contenus.