Chroniques démesurées, estivales et humaines.



Histoire populaire de l’humanité, de Chris Harmann

De temps en temps, on s’attaque à un bouquin en se disant qu’il est important, que c’est un gros morceau. Et dans certains cas, on ne se trompe pas. C’est le cas ici : Histoire populaire de l’humanité est un gros morceau, mais un morceau essentiel. Un livre de plus dont je vais dire que c’est un incontournable, un bouquin essentiel. Or donc, comme son titre l’indique, il s’agit d’une histoire de l’humanité, de ses débuts préhistoriques à nos jours, et ce non pas du point de vue des “grands” de ce monde, mais bien de la masse de l’humanité, du peuple et des mouvements sociaux. Ce qui, par rapport à la manière dont l’histoire est enseignée partout dans nos pays, est une révolution et une révolution sacrément bienvenue. Parce qu’enfin, on peut regarder et comprendre comment les sociétés évoluent, grandissent, changent et se confrontent, et comment la culture d’un peuple, ou de plusieurs, ou de certains morceaux, se construit de nombreux facteurs. Et parce que, surtout, on voit comment, depuis l’apparition des sociétés de classe, la lutte, voire la guerre des classes a toujours eu plus ou moins les mêmes formes, et les mêmes vainqueurs. Ce qui est à la fois passionnant, éclairant dans des proportions rares, et en bonne partie déprimant tant les classes dominées se font avoir encore et encore et encore (et tant la violence est très très majoritairement du coté du manche même si celle qui est mise en avant trop souvent et dépeinte de manière apeurante est celle des dominés essayant parfois un peu de renverser les choses). C’est donc, comme je le disais, un livre qui mérite mille fois d’être lu, sans par contre se faire d’illusions sur le fait que c’est un gros morceau (mais qui se prête bien à une lecture par petites tranches).


Pirate Cinema, de Cory Doctorow

Cory Doctorow est sans conteste un de mes “héros” pour tout le boulot militant qu’il fait, et tout ce qu’il diffuse d’idées géniales, et c’est aussi un auteur que j’aime beaucoup pour sa production de romans. Je vous avais parlé en particulier de Little Brother, qui est depuis en français et que je vous recommande à nouveau en passant. Pirate Cinema est dans la même veine : une histoire avec des protagonistes adolescents confrontés à la société contemporaine (ou à peine futuriste, mais vraiment à peine) de contrôle et s’y opposant avec des outils de geeks et de hackers. Ici, il ne s’agit pas de société policière mais de la législation sur le copyright et la propriété intellectuelle, en extrapolant à peine son fonctionnement actuel porté par les lobbies des multinationales du film et de la musique. Et il ne s’agit pas seulement de hacking mais de créativité et de lutte politique portée par la création artistique. Et si vous vous dites que pour un pitch de roman, ça semble très construit autour d’un propos militant, vous aurez raison, c’est l’impression que ça m’a fait. Non que le roman soit mal construit ou que les personnages ne soient pas attachants, mais on ne peut que difficilement ignorer que c’est avant tout un roman qui porte un message et qui essaient de rendre compréhensible des éléments techniques et politiques importants. Mais comme Doctorow est très pointu sur ces sujets-là, ça passe finalement bien. En termes de roman, ce n’est pas ce qu’il ait fait de mieux, mais ça fonctionne très honnêtement, et c’est très important en termes de propos et donc une bonne manière de s’y confronter de manière détendue.


Sleights of mind, de Stephen Macknick et Susana Martinez-Conde.

Sleights of mind est un livre étonnant mais parfaitement passionnant, à la rencontre de la magie et de la neuroscience. Magie comme tours de magie, prestidigitation, spectacle, tout ça, hein, pas Gandalf. Les deux auteurs, en effet, chercheurs en neuroscience d’assez fort calibre, se sont depuis longtemps intéressé aux magiciens, constatant que ces derniers avaient une connaissance empirique assez pointue du fonctionnement de l’attention et de la perception humaine, voire du cerveau en général. Ils se sont donc dit qu’il y avait probablement des choses à en apprendre, plutôt que de réinventer la roue de leur coté dans leur labo. Et ils sont bien eu raison. Ce livre raconte donc leurs travaux, depuis une vingtaine d’années, et l’avancée de leurs recherches. En racontant comment leurs échanges avec des magiciens leur ont permis de nombreuses avancées, et comment les mécanismes qu’ils décrivent d’un point de vue neurologique sont utilisés en magie. Autant dire que comme solution pour aborder de manière agréable et intriguante un sujet ardu mais passionnant, on ne fait pas beaucoup mieux. Je me suis beaucoup amusé à lire tout ça, j’y ai appris énormément de choses passionnantes sur le fonctionnement du cerveau, et en particulier des sens et de l’attention, et je les ai bien mieux intégrées et comprises en découvrant comment ces divers mécanismes sont utilisés et manipulés dans les spectacles de magie. Si la magie et la neuroscience vous intéressent, il ne faut pas hésiter, et même si c’est seulement un des deux, ça vaut très largement le coup d’y jeter un oeil. J’espère bien qu’il sera traduit un de ces jours, ça mérite de circuler.


How to cheat at everything, de Simon Lovell.

Ce gros volume, assez réputé chez les anglophones intéressés par le sujet, est une encyclopédie de la triche. Des arnaques, embrouilles et autres méthodes pour faire de l’argent malhonnêtement, majoritairement sur le terrain du jeu (d’argent donc). L’auteur est magicien et passionné par les méthodes de triche, qu’il a en partie pratiqué puisqu’il fréquente ce milieu très particulier depuis de très longues années. Il livre donc ici un catalogue (pas exhaustif tant c’est en soi impossible) des plus détaillé des diverses méthodes. Triche au cartes, aux dés, paris de bar, jeu de rue, fête foraine, arnaques, etc. C’est fascinant. A divers titres d’ailleurs : pour ce que la plupart des méthodes demandent d’entrainement et de professionnalisme (on parle de dizaines d’années pour certaines techniques de triche aux cartes ou aux dés), pour l’ingéniosité de certaines méthodes et inventions et aussi beaucoup beaucoup pour ce que cela raconte de la connaissance de l’humain et de la capacité à manipuler. Tricher pour de vraies sommes d’argent, c’est un métier, et c’est un métier très pointu et très risqué. Le propos de l’auteur n’est d’ailleurs pas du tout de former à tricher, ni même de pouvoir confondre des tricheurs, mais simplement de savoir éviter les situations douteuses (poliment, sans faire d’esclandre). J’ai trouvé l’ensemble passionnant et facile à lire, et je ne mettrai plus les pieds ne serait-ce que dans une fête foraine avec le même regard.


Les saisons indisciplinées, d'Henri Roorda.

Encore un peu d’Henri Roorda, parce qu’il le mérite. Je vous avais parlé avec le roseau pensotant d’une petite sélection des chroniques du sieur Roorda, ceci est en une compilation beaucoup exhaustive, couvrant les années 1919-1923. On y retrouve bien sur toute la finesse déjà aperçue dans le Roseau pensotant, et la maitrise impressionnante de la forme, du rythme et de la construction de chaque chronique, et on y retrouve également des chroniques très drôles et acérées. Mais pas seulement. Cet échantillon plus large permet aussi d’avoir des chroniques plus lentes, plus ancrées dans le quotidien et les états d’âme de Roorda. Chroniques dans lesquelles il ne perds rien de son acuité, mais elle est parfois plus acide, plus pessimiste. On sent à quel point la première guerre mondiale l’a marqué et à changé son regard sur le monde et l’humanité. C’est touchant et fort, en plus d’être drôle et plein d’idées inattendues. J’ai donc eu l’impression d’y découvrir plus pleinement Roorda, au-delà de sélections plus orientées sur les chroniques les plus drôles et les plus mémorables, et Roorda est un chroniqueur capable d’un éventail large de style et de perspective, du drôle et anecdotique au très profond. Accessoirement, au vu de la densité du volume, c’est un livre parfaitement adapté à un grignotage progressif, chaque chronique faisant deux pages. On y revient avec bonheur par petits morceaux, quand l’humeur se prète à cette plume rare.


Cornelius Castoriadis ou l’autonomie radicale, de Serge Latouche.

J’avais déjà, à plusieurs reprises, entendu vaguement parlé de Corneliuis Castoriadis (c’est quand même un nom magnifique), notamment en lien avec des réflexions politiques de fond sur les formes des sociétés et la manière dont elle se justifie. Je me suis donc lancé dans ce petit volume qui présente quelques extraits contextualisés d’une partie de la pensée de Castoriadis. C’est certes très réduit par rapport à ladite oeuvre, mais j’ai été vraiment très intéressé par ce qui est présenté là. Castoriadis refléchit la mythologie de la société moderne, en particulier démocratique, et la manière dont les institutions sont érigées en lois naturelles voire en système fini dépourvu d’alternatives. Il remet donc en perspective ce qui fonde les lois, et le caractère temporaire et contextuel, culturel même, de celles-ci. Lois formelles comme informelles d’ailleurs. Et sur cette base il dessine comment leur déconstruction, en particulier celles de l’idéologie de la croissance et du capitalisme, est un pré-requis nécessaire à leur remise en cause et à la construction d’alternatives, notamment de démocratie écologique dans le cas des textes présentés. C’est une réflexion profonde et passionnante, dont on ne fait ici qu’effleurer la surface, mais dans laquelle ça donne enfin de piocher un peu plus tant on est pas non plus enseveli par ce type de pensée et d’alternatives.


L'histoire fabuleuse de la fellation, de Thierry Leguay.

Thierry Leguay est professeur de lettres et a publié précédemment des ouvrages sur le vocabulaire et en particulier les mots bizarres et oubliés, ce qui est déjà pour me plaire, et il se lance ici dans quelque chose de beaucoup plus drôle et varié : une histoire de la fellation, certes à travers le vocabulaire et la littérature, mais aussi à travers les cultures et les époques. Après s’être amusé des divers vocables attenants, avec notamment un incoutournable hommage à San Antonio, on passe en revue la place de la fellation un peu partout dans le monde. Les ages préhistoriques, l’antiquité (Isis et Osiris notamment, où la fellation redonne la vie), la mythologie chrétienne (Lilith notamment), mais aussi les incas, certes civilisation africaines, la Chine, et j’en passe. On continue avec Freud, les animaux, la morale et les moeurs, mais aussi le cinéma, pornographique mais pas seulement, et les médias et les politiques. Et c’est amusant, et plein de découvertes inattendues. Mais c’est tellement foisonnant et passant d’un sujet à l’autre que c’en est parfois frustrant. Disons que dans certains cas, j’aurais bien aimé un peu plus d’informations sur telle culture, telle période, tels textes. Maintenant, en gardant en tête que c’est un balayage tous azimuths, c’est une bonne lecture de distraction cul-turelle.


Franky (et Nicole), numéro 1.

Le magazine Ferraille est mort ? Peut-être, mais pas Franky Balloney. Franky est toujours là, et continue ses oeuvres dans un nouveau format. Pour situer un peu mieux, Franky est le directeur fictif des éditions les requins-marteaux, qui ont longtemps publié le magnifique magazine Ferraille. Etant aussi inspirés sur leurs choix d’auteurs de BD originaux et transgressifs (Winshlus par exemple) qu’ils sont mauvais en gestion, Ferraille a périclité. Franky est donc aussi un recueil d’auteurs de BD trash, barrés, drôles et n’importe quoi, mais dans un format plus épais, plus proche d’un dictionnaire que d’un magazine. On trouve à l’intérieur beaucoup de formes courtes, quelques histoires un peu plus longues, et des pages de pure illustration sans narration. Pour être honnête, je ne suis pas fan de tout. Il y a des auteurs que j’aime vraiment bien, sans doute ceux qui sont le plus proches de ce qu’était Ferraille, mais aussi d’autres que je trouve moins percutants, ou avec des narrations trop floues pour que j’y entre vraiment. Mais je pense que ce sera le cas de beaucoup : c’est très varié, il y a de quoi explorer. Bon, il y a quand même une dominante trash et n’importe quoi, hein, et je pense qu’il est donc très possible de ne pas aimer du tout l’ensemble. Mais certaines choses des requins marteaux vous ont un jour plu, ça vaut sans doute le coup d’y jeter un oeil.


Veuf, de Jean-Louis Fournier.

Ayant au fil des années chroniqués à peu près tous les livres de Jean-Louis Fournier, je me dis qu’il y a une chance que vous situiez le bonhomme (et si ce n’est pas le cas, allez donc lire “Il n’a jamais tué personne mon papa” pas plus tard que tout de suite). Ici, avec toujours le même format, c’est-à-dire des “chapitres” oscillant entre un paragraphe et deux pages, très rythmés et bien tournés, Jean-Louis Fournier raconte le deuil de son épouse. Ce n’est pas une narration au sens classique, peut-être encore moins que certains bouquins précédents, mais bien une série d’instantanés, d’émotions, d’images qui s’enchainent, en kaleïdoscope. Comme toujours avec Fournier, c’est hyper-sensible et très émouvant, c’est doux-amer, parfois très triste, parfois drôle, parfois colérique, et très rarement dépourvu d’une étincelle de second degré. C’est très humain. Très intime aussi. Il y a quelque chose de brut dans ce qu’il livre, un refus d’en faire des caisses, un courage à dire les choses au plus près, sans les habiller de longues phrases et de longs développements, que je trouve toujours admirable. C’est, encore une fois, un livre pour rire et pleurer. Et c’est bien.


Prince Dickie, de Pieter de Poortere

Prince Dickie, ça a l’air d’être de la petite bande dessinée naïve, avec un trait propre et classique, très rond et coloré. Mais en fait non, ce n’est pas naïf du tout, c’est tout le contraire : c’est sarcastique, frondeur et de mauvais goût. Et j’ai vraiment bien ri. Chaque planche est une histoire autonome, et sans jamais de textes (quand c’est vraiment nécessaire, les phylactères sont aussi dessinés). Et ces histoire sont celles des contes de fées classiques, de toutes les princesses traditionnelles. Mais on est pas chez Disney. Chaque histoire est en fait l’occasion de tourner de manière provocatrice, parfois absurde mais toujours très drôle, les situations traditionnelles. En allant assez loin d’ailleurs dans ce que certains trouveront de mauvais goût, mais en ce qui me concerne, sur un thème comme celui-ci, je trouve ça salutaire et très drôle. Prince Dickie n’a pas de limites, et tant mieux. Si vous voulez ricaner en faisant rhôôô sur une thématique de contes de fées, je pense que c’est un assez bon pari.


No et moi, de Delphine de Vigan.

No et moi est un très beau roman, plein d’émotion et de finesse, et qui se paie de plus le luxe de ne pas finir en conte de fées niaisement joyeux. Delphine de Vigan y raconte, avec un écriture sobre, élégante et efficace, l’histoire d’une jeune surdouée de treize ans, un peu perdue, pas très à l’aise avec le monde. Cette dernière rencontre, à la faveur d’un devoir sur les sans-abris, No, une jeune paumée. Elle en devient amie et convainc ses parents de l’héberger et de l’aider à retrouver une vie moins abadonnée. Ce que ses parents acceptent et qui va changer quelque peu leur vie, notamment celle de sa mère, jusque là cloitrée dans le deuil d’un enfant. Si l’histoire peut sembler un peu simple, elle n’est pas traitée de manière facile, au contraire. Elle pose de nombreuses questions, avec une finesse dans le traitement des personnages qui touche profondément. J’ai eu plus d’une fois la larme à l’oeil et j’ai même fait plusieurs pauses dans la lecture de ce pourtant pas si gros roman. Sans doute aussi parce que ça me touche particulièrement, mais c’est de toutes façons un très beau roman, très touchant. Et facile à aborder, donc si vous voulez une belle lecture émouvante, je pense que vous pouvez y aller.


La guerre des fesses, de Jean-Claude Kaufmann.

Voilà longtemps que je n’avais pas lu ce que fait Jean-Claude Kaufmann, mais je ne regrette pas d’y être revenu, et je vais peut-être même repiocher dans son travail rapidement. Sociologue, il s’attache à questionner des comportements quotidiens et apparemment anecdotiques, pour aller voir ce qui se cache derrière de l’ordre des normes, des modèles sociaux et des luttes d’influence. Ici, le point de départ est la guerre des fesses, entre normes de rondeur et de minceur. De là, il explore ce qui constitue les différentes normes, en les replaçant de manière très efficace et explicite en termes de normes, et pas de goûts. Son approche de l’histoire de la minceur en occident m’a beaucoup éclairé, et réussit à toucher à des considérations largement politiques, ainsi que la place de la mystique chrétienne dans le rapport au corps. J’y ai vraiment découvert certains liens et certaines influences historiques et culturelles sur la constitution de ces normes qu’on voit aujourd’hui surtout exprimée dans la publicité et la mode. Ce qui ne l’empêche pas non plus d’en mettre aussi une bonne dose aux recommandations de santé et discours associés. Au-delà de ces aspects, le lien entre normes de beauté et milieux sociaux, et entre normes et régions du monde est également très parlant et très intéressant en ce que ça questionne aussi comment certaines normes sont des marqueurs de statut et de classe, et comment elles peuvent aussi être inversées pour revendiquer l’appartenance à une classe dominée. Avec un thème apparemment anodin et rigolo, c’est donc un vrai travail sociologique qui remet en perspective de manière très intéressante un certain nombre de questions liées au rapport au corps et à la beauté.


Contre le masculinisme, guide d'autodéfense intellectuelle.

On entend régulièrement, et de plus en plus, des discours qui se disent masculinistes, pour la défense des pères, de la virilité, de l’identité masculine, et ci et ça. Il s’y joue, de manière souvent disimulée, un anti-féminisme des plus crasses et des plus rétrogrades. Mais ce n’est pas forcément très visible, c’est souvent habillé de manière trompeuse et avec une mauvaise foi remarquable. Pour faire court, sans avoir regardé de trop près, je trouvais déjà ces discours assez nauséabonds. D’où la lecture de ce petit ouvrage, rédigé par un collectif qui s’est senti le besoin de faire un point sur ce mouvement et ce discours et d’en donner une lecture éclaircie et politique. Et je suis très content de l’avoir lu. C’est court, c’est pertinent et clair et ça balaie l’ensemble des enjeux autour du masculinisme, pour autant que je puisse le voir. Ce n’est en rien un travail universitaire, c’est un vrai travail de réflexion abordable et de clarification. En ce qui me concerne, les objectifs sont atteints, c’est clair et efficace. Et c’est sans doute aussi un bon outil de travail pour tout-e-s ceux-celles qui sont confrontés à ce type de discours et de positions dans leur environnement personnel ou professionnel.


The magicians + The Magician King, de Lev Grossman.

C’est bien parce que j’avais lu qu’il s’agissait de fantastique pas comme les autres que je me suis lancé dans cette série, et, effectivement, c’est assez différent. La jaquette prétends qu’il s’agit d’un Harry Potter pour adultes, et ce n’est complètement faux. Non pas que ça baise dans tous les coins, mais parce que le thème de la magie est abordé de manière pensée, et notamment pensée par rapport à ce que ça fait d’être magicien, en particulier pour un jeune adulte. Soudain, la frontière entre ce qu’on veut et le monde réel s’estompe, et on se retrouve dans une logique de tout petit enfant, de toute-puissance. Et il se trouve que ça n’aide en rien à savoir ce qu’on veut vraiment et ce qui a une chance de nous rendre heureux. Mais la fuite en avant devient par contre excessivement facile. Ces thèmes-là sont centraux et j’ai trouvé ça extrêmement malin et bienvenu. Autour de ça, une école de magie, des mondes féériques (enfin, un monde type Narnia mais sans dire le nom parce que copyright tout ça) et une magie pas que sympa. La lecture est plutôt facile, avec de bonnes idées originales et ça avance vite (la formation à l’école de magie, en cinq ans, prends seulement la moitié du premier bouquin). Les scénarios sont plutôt bons, sans non plus être complètement exceptionnels (enfin, celui du premier est bien construit, le second moins à mon sens), et on a une bonne dose de créatures magiques, et tout ce genre de choses. Tout en le déconstruisant en partie, avec un certain second degré souvent. Et, finalement, en tout cas pour mon goût, pas tout à fait assez. Disons que la partie fantastique m’a paru suffisamment convenue pour que je ne plonge pas vraiment dedans, alors que les parties plus adultes et psychologiques si, mais il y a quand même beaucoup de fantastique et j’ai donc trouvé certains passages un peu longs. Nonobstant, je pense que la lecture du premier tome est à recommander à tout fan de littérature fantastique, parce que c’est un vrai essai d’en faire autre chose (accessoirement, ça existe en français). Pour le second tome, je suis moins convaincu mais je vous en donnerais un avis plus posé après la lecture du troisième et dernier.


Lu. Les vertus du polyamour, d’Yves-Alexandre Thalmann.

Comme ce n’est pas le premier livre que je lis sur le sujet, je commence à être pas mal critique sur ce genre d’ouvrage. Et disons que le profil de l’auteur et le style graphique des éditions Jouvence ne m’ont pas non plus mis dans des dispositions complètement optimistes. Malgré tout, ce n’est pas un mauvais livre. Disons que c’est un aperçu de ce qu’est le polyamour, rapide, et surtout très orienté : j’ai découvert ça, c’est formidable, gad’ gad’. Avec une écriture dans un style qui ne m’accroche vraiment pas beaucoup, un peu genre développement personnel. Et avec un premier chapitre pétri d’arguments sociobiologiques qui m’a pour le coup franchement déplu. Alors que pour le reste, je trouve ça tout à fait passable, mais sans grande profondeur et sans trop de recul. Et étant donné ce qu’il existe d’autre sur ce thème, et de beaucoup mieux, je ne peux pas décemment vous le conseiller même si il y a sans doute un public qui peut préférer ce livre-là à la Salope Ethique par exemple (mais c’est bien dommage :P).  


Les caresses, de Guy de Maupassant.

Un tout petit livre rempli de trois très joli texte, ça fait un cadeau parfaitement adapté à ma petite personne (Merci Amandine :). Je ne prétendrais pas connaitre particulièrement Maupassant, ma culture classique étant franchement lacunaire, mais j’ai pris un vrai plaisir à lire ces trois textes. Le premier, les caresses donc, est un contre-pied plein d’un humour assez fin sur les caresses, le contact et le corps. Très bien vu, il m’a franchement parlé et amusé, et son coté daté ne l’empèche pas, au contraire, de fonctionner. Le second, sur les chats, est un pur amusement, très bien tourné et qui se lit avec légèreté. Le troisième est à l’inverse des deux précédents, une vraie nouvelle, si ce n’est fantastique en tout cas avec une ambiance de petit conte pour faire peur la nuit. L’ensemble est (évidemment ?) franchement bien écrit et facile à lire. Ce qui me fait dire que je rate sans doute des trucs en ne lisant pas plus de classiques...


Le roman de Louise, d’Henri Gougaud.

Ce roman est, sans grande surprise, une biographie chronologique de la vie de Louise Michel. Sans surprise non plus, il y a de quoi raconter pour bien plus qu’un roman. Le choix fait par l’auteur est d’adopter une narration sobre et plutôt poétique, en faisant des ellipses là où il l’estimait nécessaire. Je pense que c’est un assez bon choix pour ne pas rendre l’ensemble indigeste, mais ça a un coté frustrant au sens où j’aurais plutôt aimé m’immerger plus et avoir plus de détails. Maintenant, si on a envie d’un roman prenant plus que d’une biographie détaillée, ça fonctionne sans problème. Pour ce qui est du personnage, par contre, aucune hésitation : Louise Michel est une femme suffisamment exceptionnelle pour que ce soit passionnant. Impressionnant aussi quand on voit son parcours et les choix qu’elle a fait, que ce soit lors de la commune de Paris, pendant son séjour en Nouvelle-Calédonie ou ensuite. Et inspirant donc, forcément. Accessoirement, Gougaud a aussi la finesse de ne pas effacer les traits les moins faciles de la personnalité de Louise Michel, ni ses moments de difficulté. Il n’en fait pas une héroïne lissée, ce qui est pour le moins plaisant. Au final, un roman sympathique et plutôt réussi sur un personnage hors du commun. Rien d’inoubliable donc, mais pas désagréable pour autant.


Guerre et jeu. Collectif.

Avec un titre comme celui-ci, il était assez inévitable que je me le lise pour le boulot. Il s’agit d’un recueil d’articles d’universitaires explorant les rapports entre Guerre et Jeu. Et ce sont des universitaires dans des domaines franchement variés. J’irai jusqu’à dire, histoire d’être clair tout de suite sur ce qui m’a gonflé largement : ce sont pour une bonne partie des universitaires qui n’ont de compétence ni sur le jeu ni sur la guerre et qui m’ont franchement donné l’impression de s’être servi du thème pour recycler tant bien que mal leurs sujets d’étude favori. Et ils auraient pu continuer à se branler dans leur coin, j’aurais préféré. Parce que franchement, qu’un spécialiste de littérature mexicaine semi-obscure étudie comment un roman du dix-neuvième donne dans sa forme quelques clés quand à la manière dont on peut regarder enfant la guerre, même vraie, comme un jeu… en vingt pages… personnellement, ce n’est pas du tout ce que j’y cherchais et je doute que qui que ce soit vienne y chercher ça sur la foi du titre. Ceci étant dit, il y a quand même quelques contributions qui m’ont intéressé, dont une sur le jeu de Guy Debord. Donc c’est un livre que je vais garder pour ces quelques contributions, mais qui aurait quand même tendance à me confirmer une fois de plus les préventions que j’ai vis-à-vis des publications universitaires (compilées par des universitaires qui plus est…)