Chroniques anarchistes, hivernales et albigeoises.



Lu. La conquête du pain. De Pierre Kropotkine.

Par ces temps de débats électoraux, ça fait sacrément du bien de lire quelqu'un qui a un point de vue fin, intelligent et plein de recul. Le fait qu'il ait écrit cet ouvrage en 1880 et qu'il soit donc hors de toute compétition urnesque actuelle peut sembler handicapant, mais non. Car la force de Kropotkine, c'est d'avoir une analyse suffisamment juste et profonde pour qu'elle n'aie pas perdu grand chose. Voire, dans certains cas, comme par exemple la faillite inévitable d'une révolution autoritaire (et c'est écrit trente ans avant même les premiers germes de la révolution russe), le temps passé n'a fait que confirmer la justesse de son propos. Et que dit-il donc ? Que la révolution ne fonctionnera que si on se préoccupe en premier lieu de faire manger tout le monde. Bon, il ne dit pas que ça, mais c'est l'argument premier. L'ensemble va bien au delà et constitue un texte clair et très complet sur l'idéal d'une révolution et d'une société anarchiste, au sens premier du terme. On ne parle donc pas ici de bombes et de rejet de tout, mais bien de mener au bout des idées comme celle de la commune de Paris (qui, de manière amusante, est alors la référence révolutionnaire d'un anarchiste russe comme Kropotkine). Il ne s'agit pas de diatribes enflammées, mais bien d'une réflexion de fond sur la société, et sur ses fins, notamment en termes de bien-être pour tous et de répartition des richesses, qui, qu'on y adhère ou pas, donne matière à penser. Une des forces de Kropotkine, c'est justement de prendre du recul et d'analyser finement la société dans son ensemble. Accessoirement, Kropotkine écrit bien et ça peut se lire par petits bouts. Je ne saurais donc trop vous conseiller ce livre aussi plein d'espoir que de questions difficiles.


Lu. Wintersmith. De Terry Pratchett.

Je vous avais déjà parlé précédemment de deux ouvrages de Pratchett plutôt ciblés ados, voire enfants, concernant une jeune bergère destinée à devenir sorcière (ça se passe dans le Discworld, donc les sorcières oeuvrent au bien de leurs concitoyens, pour rappel). Wintersmith en est le troisième tome, et reprends là où on avait laissé l'ensemble des personnages. Tiffany, donc, atteint un age auquel d'une elle va devoir finir sa formation, et de deux, elle commence à penser sérieusement aux garçons, tout en le niant de manière véhémente. Suite à une impulsion inconsidérée, elle va se trouver attirer les attentions amoureuses du Wintersmith, l'esprit de l'hiver. S'ensuit une intrigue riche et pleine d'humour mais dont le coeur est surtout l'arrivée à l'age adulte, le fait de prendre ses responsabilités et d'accepter que les choses ne peuvent pas forcément se finir bien tout le temps (et que les apparences sont trompeuses, souvent). Comme dans tous ses romans, Pratchett fait preuve d'une finesse et d'une tendresse par rapport à ses personnages qui me touchent toujours beaucoup. Peut-être plus encore ici, ou peut-être est-ce simplement le cadre et le personnage encore enfant qui l'accentue. Toujours est-il que ce troisième tome est aussi moins drôle, moins centré sur les personnages comiques. Bref, guettez-le quand il sortira en français, surtout si vous avez un public dans ces ages là.


Lu. L'érotisme et le sacré. De Pierre Camby.

Après Bataille, il est tentant de continuer à approfondir mais la barre est haute. Ce que propose Pierre Camby, c'est un panorama historique de la place de l'érotisme, et du sexe plus largement, dans les différents mouvements religieux et civilisationnels. En partant de la plus haute antiquité, c'est-à-dire du passage des supposés cultes maternels aux divinités patriarcales, et en passant par le moyen-age, pour atteindre l'époque actuelle, on passe en revue nombre de textes, rituels et croyances. L'aspect passionnant de cet ouvrage, c'est la foule d'informations sur des cultes très anciens et souvent peu mis en avant dans les cours ou livres d'histoire classiques. Ca permet d'éclairer pas mal de choses, et notamment les relations hommes-femmes et leur histoire au sein des religions. C'est un point sur lequel j'ai trouvé l'auteur particulièrement intéressant, avec notamment les résurgences romaines puis médiévales de cultes des déesses-mères comme Tammouz (et Adonis). Spécifiquement dans l'antiquité, parce qu'ensuite, notamment pour l'ère moderne, c'est beaucoup plus rapide et moins argumenté. De temps en temps, mais c'est rare, Camby part dans des théories un poil... originales. Bon, on en est pas aux atlantes, mais on sent que ça pourrait s'en rapprocher. Ceci étant, ça ne remet pas en question le travail impressionnant et passionnant de documentation et de panorama historique, juste les conclusions qu'il en tire ne sont pas toutes à prendre sans réfléchir.


Lu. Mémoire de Cendres, tome 10 et dernier. De Philippe Jarbinet.

Je n'y croyais plus et pourtant : non seulement voilà un nouveau tome de mémoires de cendres, mais en plus c'est le dernier, et c'est un vrai dernier. Pour rappel, il s'agit d'une série de BDs médiévales historiques dans le cadre du Sud de la France, au moment de la croisade albigeoise. Bon, on a dans les tomes précédents largement débordé du cadre géographique, pour partir en Afrique du Nord et en Italie, mais thématiquement c'est cohérent. Dans ce dernier tome, point de voyages étrangers, mais un presque huis-clos dans Monségur puisque, oui, il s'agit également de la fin de la croisade et des albigeois. Le dessin est toujours le même, et sans me transcender, il me plait et m'emmène facilement. Le scénario est bon, et s'occupe surtout à boucler les histoires de tous les personnages principaux, ce qui est fait avec soin. Du coup, certains moment sont vraiment émouvants et amènent à une jolie conclusion pour cette série qui aura tenue ses promesses au fil des années, ce qui est assez rare pour être souligné.


Testé. Objets en transit. Au Muséum d'Histoire. De Sophie Chaumont.

Proposé en lien avec une exposition qui ne mérite certes pas le déplacement, l'atelier Objets en transit est par contre une proposition nouvelle et qui mérite de s'y arrêter (et surtout de faire le déplacement si vous avez des enfants en age de). Il s'agit donc d'un atelier pédagogique qui, enfin, propose aux enfants de faire des choses eux-mêmes, et même de ne faire que ça tout le long de l'activité. Et si ça marche, c'est grâce à un aménagement scénographié et avec de vrais moyens : les enfants, sont chargés d'identifier et de recenser un objet inconnu (et équipé d'une puce RFID). Ils vont donc passer par une fausse bibliothèque, un labo d'analyse, le bureau du conservateur. Dans chaque pièce, des dispositifs vidéo, audio se déclenchent et les guident dans diverses lectures et tests pour enfin identifier le fossile, météorite et autre. J'en dis du bien parce que c'est pas si souvent que des moyens de ce type sont débloqués pour un atelier pour enfants, et parce que les solutions techniques sont astucieuses et assez magiques. Comme le contenu est intéressant, pas de raison de se priver.


Ecouté. Love. Des Beatles, plus ou moins.

Vous n'avez sans doute pas échappé à l'info tant elle fut relayée : le producteur historique de beatles, accompagné de son fils, ont remixé les classiques des Beatles à partir des bandes originales. Plus que ça, ils ont passé les pistes de certains instruments d'une chanson à l'autre, utilisé les choeurs de telle sur le refrain de telle autre, etc. Et au final, moi j'aime vraiment bien. Je vous rassure tout de suite, on n'a pas l'impression de chansons inconnues. Certaines chansons sont fusionnées et on passe sans transition de l'une à l'autre, mais pas au point d'être perdu, loin de là. Maintenant, les nouveaux arrangements et les changements d'ambiance et d'instruments sont tout à fait réussis. La plupart atteignent l'intérêt des originaux, et pour certaines, il y a même quelque chose en plus. Du coup, si vous avez envie de vous replonger dans les Beatles sans avoir l'impression de réécouter uniquement des morceaux connus par coeur, c'est vraiment plaisant.