Chroniques obscènes, mécaniques et droguées.

Lu. Epigrammes obscènes. De Martial.

Martial est un auteur du premier siècle, romain donc (par adoption tout au moins). A l'époque, c'était une vraie star, mais il n'est maintenant connu que dans des cercles restreints, ce qui est une honte totale. Pour corriger cela, la Musardine propose une nouvelle édition, mais surtout une nouvelle traduction, de ce pour quoi il est connu : l'épigramme obscène. En effet, Martial est un poête, il travaille des formes courtes, voire très courtes (qui ne sont pas si loin du haïku pour certaines) et obscènes. Obscènes, c'est-à-dire parfois pornographiques, mais surtout crues et révélatrices des moeurs de ses concitoyens. Car Martial s'adresse souvent aux grands de Rome, évoque leurs moeurs, leurs travers, s'en moque et en rit. Et c'est effectivement très drôle, bien tourné et dans un certain nombre de cas plutôt érotique. C'est réellement une lecture qui se savoure et qui se relit. Accessoirement, cette édition propose aussi la version latine d'origine, ce qui permet de découvrir aussi des finesses formelles et des tournures astucieuses que la traduction ne peut pas toujours rendre. Bref, c'est un ovni de deux mille ans, mais c'est surtout un plaisir de lecture absolu en ce qui me concerne.


Lu. ...courent dans la montagne. De F'Murrr.

Ah, F'murrr... enfin de nouvelles brebis. Bon, à force d'en dire du bien et du bien, je sais plus trop quoi raconter sur F'Murrr. Ce nouveau tome est toujours rempli de brebis, de touristes, de discussions particulièrement absurdes et de bergères. Et donc, oui, j'aime toujours beaucoup et je suis toujours heureux d'en avoir plus. Bon, je préférais le précédent, mais ce n'est pas vraiment une critique de celui-ci, c'est surtout que le précédent était exceptionnel et plus novateur (dans les onomatopées, surtout). Bon, si vous connaissez pas, commencez par le précédent, et si vous connaissez, allez-voir celui-ci.


Ecouté. Pamplemousse mécanique. Des Fatals Picards.

Les Fatals Picards vont défendre les couleurs françaises à l'eurovision dès ce soir, ce qui me réjouit et m'a donné envie d'aller écouter un peu mieux ce qu'ils font. Et ce dernier album est un vrai plaisir, même si vous n'y trouverez pas la chanson de l'eurovision. Bon, soyons clair, il faut aimer les groupes idiots et les paroles stupides, mais pour le coup, c'est bien fait, entraînant, et vraiment drôle pour la majorité des chansons. Et pour le coup, certaines ont même vraiment des textes pourvu de sens, voire de sensibilité, si, si. Ce qui évite le côté purement potache lourd, au moins en partie. Accessoirement, si, comme moi, vous en avez eu plus que votre dose des gars qui arrivent en fin de soirée avec un djembé, vous serez vengés ! Pour situer, la première moitié de l'album est constituée de chansons drôles, voire malines, et originales, la seconde de parodies de groupes connus plutot réussies (The Cure, Tryo, Noir Désir, Zebda), et la troisième est une piste pas cachée de 27 minutes remplie de chansons très idiotes et pas finies et de sketches mal réalisés et idiots (mais une fois dans l'ambiance, ça passe très bien). Donc au final, si vous voulez un album pour rigoler avec des vrais moments de musique quand même dedans, allez-y.


Ecouté. Pas en vivant avec son chien. De Magyd Cherfi.

Magyd était plutot celui qui, dans Zebda, écrivait les textes, et ça se sent. Pas en vivant avec son chien est un album de textes bien tournés et travaillés. Assez clairement, les musiques prennent la seconde place, même si elle sont travaillées et variées et permettent donc de ne pas avoir l'impression d'écouter plusieurs fois la même chanson. Les textes sont, comme toujours chez Magyd, entre ressentis personnels et contenus politiques et sociaux, avec toujours un impact et des tournures bienvenues. Le ressenti d'ensemble est un peu mélancolique mais c'est une mélancolie non dénuée d'humour et de recul, qui du coup donne envie de s'y plonger et de le savourer. Accessoirement, la pochette est signée Larcenet, ce qui donne un intérêt supplémentaire à l'objet lui-même.


Concert. Entre deux caisses - Loïc Lantoine - Les Ogres de Barback.

Le festival Parole et Musique, c'est à St Etienne, et c'est tous les ans l'occasion de beaux concerts. En première partie, ce fut Entre deux caisses, quatre gars pas tout jeunes qui chantent très bien, et jouent aussi un peu de musique, dans un style classique et avec des paroles souvent très droles. Parfait pour une première partie, on rentre tout de suite dedans et c'est plaisant. Ensuite, ce fut la partie que j'attendais le plus : Loïc Lantoine, un de mes héros. Loïc Lantoine fait une tournée cascade, c'est à dire qu'il recrute des amis et musiciens différents à chaque étape et qu'ils relisent ensemble un certain nombre de ses chansons. Pour le coup, ce fut une vraie réussite : un saxophoniste/clarinettiste/flutiste, l'ingé son qui est venu jouer un peu de guitare, et Danielito, au carron, qui a rehaussé splendidement la majorité des chansons. En gros, c'était comme un concert de Loïc Lantoine, intense, drôle et beau, mais en plus, plein de surprises et de trucs en plus pour renforcer les chansons. Bref, trop classe. Pour finir, il y avait les Ogres, qui étaient un peu les stars de la soirée (avec un public plutôt jeune et plutôt très fan), mais bon, ça ne m'a pas tant enchanté. D'abord parce que ça ne se renouvelle pas des masses, ensuite parce qu'à trop en faire sur la déco et la mise en scène, ça gagne pas en musique. En plus, après Loïc, les paroles font un peu simplettes et les speeches jeunz rebelles entre les chansons, bon, voila quoi. Mais c'est quand même sympa les Ogres, je ne renie pas totalement, juste décevant sur ce concert.


Vu. A scanner Darkly. De Richard Linklater.

Une nouvelle adaptation d'un roman de Philip K Dick, mais ce coup-ci pas n'importe lequel puisqu'il s'agit de A Scanner Darkly (Substance Mort en français), un voire son meilleur. A scanner darkly est un livre sombre, bizarre et torturé sur les ravages de la drogue et la plongée dans la schizophrénie la plus totale. C'était du coup difficile à adapter en film, mais la réussite est totale et pleine de surprise. En effet, le réalisateur a fait le choix d'une technique inédite en long métrage et passablement étrange : la rotoscopie. En gros, c'est filmé en vrai (avec un casting sérieux accessoirement : Wynona Rider, Keanu Reeves, Woody Harrelson) et toutes les images sont ensuite redessinées par-dessus de manière semi-automatique. Le résultat est graphiquement très beau et surtout rends bien un décalage et un flottement qui rendent splendidement l'esprit du livre. Comme, en plus, le scénario conserve tous les points forts du livre, et notamment la fin, qui ne fut pas américanisée, alleluia, on plonge dans la folie des personnages rapidement et profondément. j'ai été franchement bluffé par le résultat et je vous conseille fortement de jeter un oeil, mais en prenant le temps de le voir au calme et complètement.