Chroniques pornographiques, rebelles et pixellisées.


Lu. Porno pour elles, de Erika Lust.

Le porno féministe (et même plus largement et peut-être plus consensuellement le porno pour filles) n'est certes pas une idée complètement nouvelle, mais on ne peut pas dire non plus qu'il occupe tellement le devant de la scène. Erika Lust, qui est elle-même réalisatrice de porno féministe (ou : pour filles, ou : pour couples, ou, plus simplement : respectueux des femmes, et des personnes en général) s'attaque ici à un guide qui explique ce qui existe dans le domaine, et pourquoi ça a une importance, pourquoi cette volonté de proposer clairement autre chose que la production ultra-majoritaire ultra-machiste (et souvent d'une qualité vraiment vraiment piteuse). Force est de constater que d'une elle fait ça très bien et de deux elle fait en plus un joli ouvrage, aussi agréable à lire qu'à regarder. Le première partie explique clairement et simplement pourquoi le porno peut être autre chose qu'une apologie vulgaire de l'humiliation et de la femme-objet, pourquoi il est important que ce soit le cas et montre donc qu'on peut trouver dans le porno filmé des émotions, du désir et tout ce qui devrait théoriquement justifier son existence (et qu'on trouve pour le coup plus aisément dans d'autres médias, dessinés ou écrits notamment). Bref, le genre de mise au point qui mériterait d'être largement diffusée. Dans la seconde partie, elle fait un panorama historique des différentes époques et styles de production pronographique (en termes de films, c'est le sujet ici, uniquement), qui montre notamment comment la dérive machiste est finalement assez récente. Et dans la troisième partie, elle présente un certain nombre de ses réalisatrices (et réalisateurs) préférés et donc de films qui méritent d'être vus. Cette partie est complétée par un DVD anecdotique, qui présente les bande-annonces de certains filmes précités, notamment les siens. Ce qui peut donner une idée de ce à quoi ça ressemble, mais très rapidement. Pour peu que le sujet vous intéresse, c'est un bouquin que je recommanderais sans hésiter, et qui est certainement un très bon point d'entrée.


Lu. Qu'est-ce qu'un jeu ? De Stéphane Chauvier.

Qu'est-ce qu'un jeu est publié dans une collection qui s'adresse aux étudiants des universités et classes préparatoires, « mais aussi au grand public cultivé » et écrit par un professeur de philosophie. Et, oui, surprise, il m'a doucement fait chier. Doucement seulement parce que le sujet, fondamentalement, m'intéresse. Mais. Mais d'une part on est dans un traitement philosophique universitaire assez classique et donc, malgré une volonté d'être raisonnablement compréhensible, on échappe pas à une certaine lourdeur ni à un goût pour les termes abscons. Et, d'autre part, l'auteur essaie de réinventer la roue, pour prouver que l'approche philosophique, quand même, ça vaut mieux que le reste (et, pour être moins mesquin, pour se caler dans la roue des théoriciens de la ludologie, intentionnellement ou non). Pas de chance pour lui, sur le jeu, certes, il n'y a pas tant de choses que ça, mais ce qu'il y a tient fort la route. Donc à essayer de définir autrement, il ne va pas vers grand-chose. Et il finit par réintégrer par la bande ce qu'il avait exclu au départ. Ce qui fait que ça m'a un peu gonflé (le fait ue la ludologie, ce ne soit pas nons plus une approche que je défends n'a pas aidé, je le confesse) et que j'ai trouvé qu'on perdait beaucoup de temps pour pas grand-chose. Pour autant, ce n'est pas inintéressant, quand on veut vraiment approfondir cette question de l'approche théorique du jeu, parce que les auteurs et idées qu'ils convoquent donnent parfois des éclairages riches et bienvenus. En particulier les chapitres optionnels à la fin où, ayant fini de se prendre les pieds dans le tapis en essayant de tout réinventer, il ouvre sur des auteurs anciens et des réflexions sur les liens entre jeu et vie. Bref, pour ceux qui veulent approfondir, mais ce n'est pas par ça qu'il faut commencer sur la question, loin de là.


Ecouté. English Rebel Songs, de Chumbawamba.

Chumbawamba est un groupe d'anarcho-punk a priori fort sympathique et aux styles musicaux variés que je ne connaissais pas très bien, mais ce CD en particulier m'avait suffisamment intrigué pour me servir de point d'entrée dans leur discographie. Certes, il n'est sans doute pas très représentatif, musicalement en tout cas, mais ça ne l'empêche pas d'être une belle découverte dont je vais de ce pas vous faire l'article. En effet, il s'agit de reprises, aussi fidèles que possible, de chants de révoltes et de chants révolutionnaires anglais, datant pour le plus ancien du qatorzième mais majoritairement du dix-neuvième siècle. Il s'agit donc principalement de chants collectifs a capella même si ils sont pour certains accompagnés par une guitare ou équivalent. Il ne s'agit donc pas de performances vocales exceptionnelles ni spécialement élaborées, mais les voix sont belles et les harmonies efficaces. Ce qui permet de profiter à plein des textes et de l'émotion qui s'en dégage. Parce que oui, c'est quand même ça l'intérêt de la chose : ce sont des chansons qui ont un sens et, qui plus est, une histoire. Ce que le livret, qui présente le cadre dans laquelle chacune a été composée et uutilisée, permet d'apprécier plus complètement. C'est le genre de choses que j'écoute sans me lasser, et dont il va falloir que je cherche des équivalents francophones. Le seul inconvénient est finalement que cet album est assez difficile à trouver (mais vous en trouverez plus ou moins facilement des morceaux sur Youtube notamment).

Là : http://www.youtube.com/watch?v=cuBgeGKPGZI


Ecouté. Second tour, de Zebda.

Le grand retour de Zebda, après une longue pause, était pour le moins attendu. Et le moins que je puisse dire est qu'il ne m'a pas déçu malgré le changement d'une bonne partie des musiciens (mais pas tous, et pas en ce qui concerne les trois chanteurs). On y retrouve finalement ce que je préférais chez Zebda et plutôt pas les dérives festives/tube-de-l'étéesque qu'il a pu y avoir à certains moments (certes minoritaires même à l'époque, mais bon, quand même faute de goût :P). Donc : des textes touchants, ciselés, drôles et politiques (au sens large du terme au minimum) qui parlent de la vie, de l'immigration, de la société d'aujourd'hui, de grandir et de faire des choix. Avec tout le talent qu'on connait à Magyd Cherfi pour l'écriture et toute l'énergie et les beaux accents qu'on connait à l'ensemble pour la mise en voix. Et les musiques qui vont avec sont globalement du même acabit, avec des influences toujours variées et un vrai travail de composition varié et plus que plaisant. Et qui sautille toujours un peu, je vous rassure, ça reste pêchu, on ne risque pas s'endormir. Bref, c'est réjouissant souvent, engagé presque toujours, nostalgique parfois. De quoi se laisser emmener et en ressortir avec le sourire. Je trouve qu'au final, ça fait un bien bel album de retour. Pas parfait, certaines chansons me plaisent moins, notamment une ou deux directes à en être un peu plates, mais elles ne tirent pas non plus le reste vers le bas, juste elles sont plus anecdotiques. Il ne me reste plus qu'à espérer que cette deuxième période continue dans la même direction.


Joué. Pix, de Laurent Escoffier et David Franck.

Vous aussi, vous gardez de bons souvenirs de Pictionary ? Ben Pix, c'est pareil, en mieux et avec des pixels. Même principe de base donc : faire un dessin pour faire deviner un mot. Sauf que, ici, le dessin, on le fait avec des pixels noirs (magnétiques) sur une petite grille (bien alignés donc, les pixels), et qu'il est avantageux d'utiliser le moins de pixels possibles (tant que votre dessin est suffisamment efficace pour que les autres joueurs devinent). Donc, pas besoin de savoir dessiner, mais il va falloir trouver des solutions malines tant la contrainte des pixels demande de l'inventivité. Et provoque de bonnes rigolades tant il est vrai que, parfois, ça ne ressemble à rien. Ajoutez à ça un pixel rouge pour marquer particulièrement un élément du dessin, et une flèche au même usage, un système de tours de jeu malin et qui permet d'écourter sérieusement les temps d'attentes, et vous avez un jeu vraiment drôle et vraiment efficace. Si en plus, vous aimez le pixel-art, vous allez être fan. D'autant plus que c'est une production Gameworks, c'est-à-dire que tous les éléments du jeu sont soignés, adaptés au thème jusque dans les détails. La règle du jeu, par exemple, est présentée en pixel-art sur la boite carrée elle-même. Bref, Pix c'est un très bon jeu, très bien édité, qui a tout pour devenir un classique des soirées entre amis, en famille, avec tout le monde et n'importe qui. Vraiment un jeu qu'on aura pas attendu pour rien.


Joué. Uluru, de Lauge Luchau.

Là où Pix est un jeu d'ambiance pour rigoler, Uluru est, à l'inverse, un vrai bon jeu pour se prendre la tête. En paniquant. Ce qui ne vous empêchera pas de jouer avec des amis, mais il va falloir les choisir. En effet, dans Uluru, chacun va, sur son petit plateau, essayer d'agencer les oiseaux du rêve selon leur souhait autour d'Ayer's Rock. Et les oiseaux sont pénibles : l'un voudra être à coté de tel autre, qui lui voudra être de tel coté, alors qu'un troisième voudra être en face du premier et que le quatrième ne voudre être ni en face ni à coté du second. Ils sont huit, et il va falloir trouver la meilleure configuration en un temps (très) limité à chaque tour. Donc, logique, rapidité, casse-tête et risques de panique et de mélangeage de pinceaux assez sérieux. Chaque oiseau non-satisfait vous jète un caillou et on cherche donc à recevoir le moins de cailloux possibles. Le principe fonctionne très bien, et les règles proposent une grande gradation de la difficulté qui permet de jouer longtemps, même pour les plus maniaques. Une option existe aussi pour jouer entre joueurs de niveaux différents, ce qui peut être bienvenu pour un jeu de ce type. Au-delà de ces considérations mécaniques, le jeu est beau, avec un matériel de bonne qualité et un thème que je trouve des plus sympathique dans l'ambiance des mythes aborigènes. Un jeu donc à conseiller sans hésiter aux fans de Ricochet Robot, Crazy Circus et autres Set.