Chroniques fantomatiques, pokémonesques et générationnelles.



Codex Alera. De Jim Butcher.

Si Jim Butcher s'est lancé dans cette série sur la base d'un défi idiot (mais drôle, puisqu'il s'agissait de méler La légion perdue avec Pokémon), il réussit à tisser une fresque certes de facture franchement classique, mais tout à fait efficace et avec des scénarios solides. Alera est un continent (ou presque) peuplé d'humains de tradition romaine, à peu de choses prêt, mais capables de manipuler des esprits des forces élémentaires : les furies. celles-ci leur confèrent des super-pouvoirs ou se manifestent sous une forme sensiblement équivalente à des sorts magiques traditionnels. Partant de là, le premier livre nous met dans les pas de Tavi, un jeune apprenti berger d'une vallée reculée dépourvu de furies. Il va se trouver pris dans une guerre de frontières consécutives de maneuvres politiques mesquines et reltivement élaborées dont on découvrira progressivement les liens avec les luttes pour le pouvoir impérial, l'Empereur étant agé et sans descendants depuis que son fils a été tué dans une guerre de frontières sensiblement similaire à celle en cours. Tavi est un personnage sympathique et efficace qui compte sur son intelligence et son courage, faute de magie, et les autres personnages de la série sont également agréables et plutôt bien construits, avec suffisamment de profondeur pour justifier des questionnements malins et des échanges sociaux et politiques prenants. Butcher garde cette capacité à donner du rythme, à créer du suspense et finir en général en trombe, tout en traitant plusieurs personnages et sous-trames en parrallèle, ce qui est du coup fort agréable et prenant à lire. Toute la série est ensuite du même tonneau, efficace et agréable, avec suffisamment de surprises de formes et de rebondissements pour faire pardonner la trame de fond très très typique du méiéval-fantastique. On notera cependant une tendance à la militarisation croissante de l'ensemble, qui n'est certes pas ce qui m'a fait le plus plaisir, mais qui arrive à fonctionner cependant en ne prenant pas trop le pas sur les imbroglios politiques présidant aux opérations militaires en question. Sans spoiler, uniquement en regardant les titres, vous vous doutez bien que Tavi va monter progressivement en grade, et que tout celà va aller vers une conclusion dûment cataclysmique. Je regretterais simplement que l'épilogue ne soit pas plus long et plus soigné tant, après six tomes, j'aurais aimé avoir un peu plus de détails sur la mise au vert de chacun de personnages importants. Rien de grave cependant. Pour conclure, je cherchais en commençant cette série une pure distraction, et j'en ai été parfaitement satisfait. Elle n'a pas l'ampleur et la finesse de Dresden Files, mais elle fonctionne bien, elle est bouclée, et elle se lit très facilement. Le début existant en français, vous pouvez y gouter, vous serez fixé dès la fin du premier tôme quant à savoir si c'est pour vous ou non.



Ghost Story (The Dresden Files). De Jim Butcher.

Toujours Jim Butcher, mais il s'agit là du dernier tome en date des aventures de Harry Dresden. Et il va m'être difficile d'en parler sans trop spoiler ant on est ici à un tournant. Pour tout dire, ça commence à sentir la fin de la série. Oh, sans doute pas tout de suite, mais, après les bouleverements cataclysmiques du précédent, Changes, on est ici dans une grande transition, à de nombreux points de vue, qui réussit à retisser les divers éléments cruciaux du passé de Harry, et donc des nombreux tomes précédents. Et l'exercice est réussi avec brio : tout commence à prendre une cohérence des plus alléchantes, et dans le même temps, l'évolution du personnage, voire de l'ensemble des personnages importants, est elle aussi réussie, cohérente, et très engageante pour ce qui va suivre. Et tout cela est mené au sein d'un vrai scénario, comme d'habitude plutôt orienté enquête, comme d'habitude riche et complexe, mais pas comme d'habitude sur de nombreux aspects (mais je ne peux pas en dire plus sans spoiler vraiment sauvagement). Qui plus est, le suspense central est tenu jusqu'à la toute fin, et résolu d'une anière très satisfaisante et passablement maline, du genre on avait beaucoup d'éléments pour deviner mais c'est assez riche pour qu'il soit franchement ardu de le voir vraiment venir. Accessoirement, la montée en puissance de l'ensemble fait une part plus grande à des personnages et créatures intriguants et là encore bien construits, ce qui n'est jamais facile quand on parle de créatures immortelles et surpuissantes (des archanges par exemple), ce qui est là auss réussit, toujours avec humour et originalité. Au final, après un Changes un peu traumatisant par son ampleur et les questions qu'il laissait en suspense, Ghost Story fait un excellent boulot pour relancer la série pour le grand final à venir (pas tout de suite, comme je le disais, mais on le sent quand même approcher doucement). Une série qui tient donc largement ses promesses, avec une qualité remarquable et un élan sur la longueur vraiment exceptionnel. Dresden, c'est bon, et ça va toujours en s'améliorant : mangez-en.


Rebelle (Brave en titre original). De Pixar-Disney.

Rebelle, c'est beau comme une carte postale d'Ecosse. Un peu plus même : comme une carte postale idéalisée et réalisée par Pixar. Les forêts sont vertes, les cheveux sont rouges, les accents épais et les highlanders itou, bref, tout le folklore est convoqué, et c'est heureux tant c'est nécessaire. Nécessaire car pour ce qui est du récit, et même de l'humour, j'ai trouvé ça plat, facile et très sévèrement depourvu de second degré, ou même de finesse et de surprises dans la narration. Ce n'est pas tant du Pixar que j'ai eu l'impression de regarder, mais du Disney, balisé d'un bout à l'autre, ou même les ressorts comiques sont tellement annoncés comme tels qu'ils ne réjouissent plus tellement, d'autant qu'ils ne servent strictement à rien d'autre. Donc, c'est plat, et c'est d'autant plus triste à mon sens que le propos de fond aurait pu donner lieu à un traitement plus convaincant et plus adapté : le fait qu'une princesse n'est pas nécessairement contrainte de suivre son destin de princesse, et pourrait se forger, autonome, son propre destin. J'irais même jusqu'à dire que le scénario est en opposition frontale à ce propos annoncé, en voix off, dès l'ouverture : l'héroïne ne choisit pas son destin, elle suit les petites lumières bleues tout le film, et elles la conduisent d'étape en résolution. Alors pardon, mais de mon point de vue, elle a suivi son destin d'un bout à l'autre, c'est juste que son destin n'était pas d'être une princesse stéréotypé. C'est mieux que rien par rapport aux autres princesses Disney, certes, mais ça me laisse quand même un goût pas très satisfaisant. Donc, oui, c'est beau, mais j'aurais aimé une vraie histoire, cohérente si possible avec le propos, et quelques surprises quelque part. Ah, oui, si, le court métrage précédent le film est très joli. Et je m'aperçois que je n'ai même pas parlé de la 3D, ben... c'est normal, elle est d'une inutilité qui frise l'absolu.


Dr Shark. De Bruno Cathala et Antoine Bauza.

Dr Shark est un jeu basé sur la reconnaissance tactile et, chose rare, voire unique, il est destiné à un public adulte (ou au moins de grands enfants). Sur un thème James Bondesque, on va donc plonger dans la piscine au requins du super-vilain pour récupérer des morceaux d'indices susceptibles de l'incriminer. En pratique, on plonge la main dans un sac, sans regarder, et on en sort des pièces en carton, aux formes et textures différentes. Selon les tours et les choix qu'on fait, on devra sortir des pièces toutes de la même texture, de textures toutes différentes ou e formes toutes différentes (plus deux autres options rajoutant un peu de variété tactique). L'exercice n'est pas facile mais est vraiment amusant, et c'est un moteur de jeu intriguant susceptible de motiver des publics assez variés, notamment des pas très joueurs. Autour de ce mécanisme de base, un système de puzzles pour reconstituer les indices et quelques petits pouvoirs optionnels susceptibles d'animer un peu les interactions entre joueurs. C'est malin, c'est original et c'est franchement sympathique à jouer. Comme, en plus, le matériel de jeu est soigné et vraiment réussi graphiquement, c'est un jeu facile à sortir et à proposer, même aux indécis. En plus, il y a un requin en bois qui fait clac-clac pour marquer l'arrivée des requins dans la piscine. Au final, un de ces semi-ovnis ludiques qu'il fait bon sortir de temps en temps et qui plaira facilement à tous.


Descendance. De Inga et Markus Brand.

Descendance (intitulé Village en Vo) a remporté cette année le Kennerspiel des Jahres, donc le prix le plus prestigieux dans le petit monde du jeu de société, catégorie jeux pour connaisseurs. Pour connaisseurs, certes, mais pas non plus pour maniaques complets puisqu'il s'agit d'un jeu d'une heure et demie en gros, abordable par n'importe qui d'un peu habitué aux jeux de société un peu élaborés. Descendance est un jeu de placement d'ouvriers, comme on dit dans le milieu, c'est-à-dire qu'il va s'agir pour chaque joueur de répartir ses pions, représentant les membres de sa famille, dans différents métiers. Et là où Descendance brille dans cette catégorie, c'est par son thème, parfaitement adapté et très engageant : chacun joue une famille, au sein du même village et va gérer les différentes générations pour faire de sa famille la plus prestigieuse du village. Pour cela, des carrières dans l'artisanat, l'agriculture, mais aussi la politique, l'exploration et l'église sont possible, voire le commerce. L'ensemble des mécanismes régissant ces différentes parties sont riches, variées et propices à des stratégies différentes et emboitables les unes avec les autres de manières variées. Le jeu est donc riche de possibilités et de variantes d'une partie à l'autre, tout en conservant toujours cette dimension narrative que je trouve essentielle. Accessoirement, on doit également gérer les décès et le renouvellement des générations, ce qui à mon sens ajoute une dose de second degré, voire de mauvais esprt, que je trouve là encore extrèmement bienvenue même si elle est légère, voire oubliable si on veut rester très premier degré. Comme, en plus de tout ça, le matériel est vraiment très réussi, et le plateau de jeu des plus immersifs, on se trouve au final avec un jeu qui non seulement est un vrai plaisir pour joueurs confirmés, mais est aussi un moyen de faire découvrir ce gabarit de jeu à des joueurs qu'un thème moins réussi n'aurait pas convaincu. Pour les connaisseurs, Descendance me fait penser à l'Age de Pierre pour le sucès de son thème et de son ambiance, mais avec des mécanismes et des possibilités beaucoup plus variées, et donc aussi plus retorses si on veut jouer dans le calcul et la stratégie élaborée (ce qui n'est pas nécessaire, c'est justement un plaisir de jouer simplement à s'occuper au mieux de sa petite famille). Donc oui, c'est vraiment un jeu à essayer et il a vraiment mérité son prix.


Master of rules. De Susumu Kawasaki.

Master of rules est un petit jeu de cartes, venu du pays des sushis et des gens qui aiment bien les règles. Et c'est un jeu très très malin, tout en étant simple à expliquer. Effectivement, à chaque manche, chaque joueur va jouer deux xartes, visibles, devant lui, dans l'ordre de son choix : une carte nombre (de 1 à 9, avec cinq culeurs différentes) et une carte règle, qui est en fait un objectif dont il parie qu'il sera rempli par l'ensemble des cartes sur la table (comme par exemple, trois cartes du même nombre ou de la même couleur, un total inférieur ou égal à 23 ou, plus fin et mesquin, que son voisin de droite remplira son objectif). Ce système simple génère un jeu extrêmement malin et tactique, dans lequel l'ordre de jeu des cartes prend une importance cruciale, tout comme l'anticipation de ce que peuvent préparer les autres joueurs (amplifiée, quand on sait un peu jouer, par le fait que les cartes pioschées le sont face visible). C'est donc un jeu rapide, mais auquel on revient imédiatement et avec plaisir pour essayer d'en maitriser les finesses qui, vu d'ici, semble nombreuses. C'est certainment un jeu que j'emporterais souvent pour le proposer à des gen qui aiment les petits jeux de carte malins, du genre qu'on joue des heures en fin de soirée sans s'en apercevoir. Accessoirement, si les règles sont en anglais, une fis celles-ci comprises, le peu de texte présent sur les cartes règles n'est en rien un obstacle, d'autant que les symboles le complétant remplissent parfaitement leur office. Un jeu pour lequel on pourrait souhaiter des compléments, mais dont le système est tellement bien rodé et imbriqué que cela gacherait sans doute son fonctionnement.