Chroniques élégantes, truquées et chronométrées.


Lu. L'élégance du hérisson. De Muriel Barbery.

L'élégance du hérisson est un très beau roman, dont vous avez sans doute entendu parlé, notamment du fait de son adaptation cinématographique (qui ne me tente accessoirement pas tellement, voire pas du tout). C'est un roman sur l'acceptation de soi, les stéréotypes sociaux et l'intelligence. C'est aussi un roman qui brasse des idées variées, philosophiques, sociales, culturelles, etc. Globalement de quoi me plaire donc, vous l'aurez deviné, au moins sur le fonds. Et comme la forme est tout à fait bien tournée et agréable à lire, ça m'a effectivement beaucoup plu. Certes, certains trouvent la partie narrée par la petite fille un peu trop élaborée et littéraire pour être complètement crédible, mais je dirais que ça ne m'a pas posé le moindre problème, c'est même plutôt la caractéristique de fond du personnage, que je trouve quant à moi crédible. Bref, deux personnages centraux isolés par leur intelligence, et leur crainte de l'assumer, de la laisser voir (avec des enjeux différents mais pas tant), qui vont apprendre, en partie, à s'ouvrir. Avec un coté presque conte dans le déroulement et la magie de l'enchainement des évènements, qui ne me gène pas du tout. Au contraire, si on ne s'attache rop au réalisme, c'est du coup poétique et réjouissant (même si on peut pleurer aussi par moment, et pas spécialement à la fin en ce qui me concerne). Bref, moi aussi, j'ai bien aimé.


Lu. Le grand truquage. De Lorraine Data.

Un livre pour ne pas rigoler, un livre plutôt pour être un peu déprimé du monde dans lequel on vit, ma bonne dame, et de tous ces gens qui nous gouvernent, c'est moi que je vous le dis : Lorraine Data est le pseudonyme d'un collectif de chercheurs et fonctionnaires en charge des statistiques dans différentes structures et administrations nationales de notre beau pays. Lassé de voir leur travail arrangé et piloté à des fins politiques, ils ont décidé d'exposer un certain nombre des magouilles effectuées à ce niveau-là et de dénoncer donc l'instrumentalisation politique de la production de statistiques. En gros : comment on bidouille ou l'on fait bidouiller les outils statistiques pour qu'ils donnent des résultats arrangeants. Que les chiffres disent bien ce qu'on avait promis, même si en fait ce ne sont plus les mêmes chiffres calculés de la même manière. Et, oui, sans surprise, ça donne souvent envie de hurler, quand ça ne donne pas envie de baisser les bras tant ça en fait. L'ouvrage passe en revue divers domaines à enjeu : éducation, emploi, délinquance, etc, et expose les diverses magouilles effectuées pour que les chiffres disent ce qu'on voulait qu'ils disent, du petit arrangement au changement de mode de calcul, en passant par le pipotage pur et simple, vas-y que je tire des chiffres de nulle part. Je comprends les statisticiens d'être écoeurés que leur travail perde son sens à ce point, personnellement, ça me donne surtout envie de noyer une grande partie des journalistes dans une grande majorité des hommes politiques.


Vu. Up (Là-haut). De Pixar, réalisé par Pete Docter.

Up est donc, pour ceux qui n'ont pas suivi, le dernier né des studios Pixar, aprés Ratatouille, que j'avais bien aimé mais sans plus, et Wall-E, que j'avais vraiment apprécié. Et, autant le dire tout de suite, j'ai retrouvé avec Up l'émerveillement des tous premiers Pixar, devant la beauté des images mais surtout l'inventivité, la fraicheur et la sensibilité du scénario. Oui, Up est visuellement très réussi, plein de couleurs, de paysages, de finesses, mais aussi, et c'est plus qu'appréciable, de réussites moins plastiques et moins lisses puisqu'on a un héros du troisième âgé, fripé et grognon, et un second héros jeune et rondouillard. Pixar se distingue une fois de plus par sa capacité à faire beau et soigné sans tomber dans le cliché et le trop plastique ou trop lisse. Et c'est également le cas du scénario, qui commence sur une longue séquence très poétique mais aussi très triste et nostalgique, sans niaiserie et avec beaucoup de finesse et d'humanité, en abordant des sujets qui ne sont ni légers ni enfantins. Touchant, disais-je, et à partir de là, c'est un enchainement d'inventions, d'humour et de fantaisies. Avec toujours cette humanité en toile de fond. Un très bel équilibre donc, et un vraiment très beau film. Je me demande si ce n'est pas mon Pixar préféré, tiens...


Ecouté. That was the year that was et Songs and more songs by Tom Lehrer.

Tom Lehrer est un auteur-interprète américain raisonnablement inconnu mais un peu culte dans certains milieux. Et il le mérite, à mon sens. Tom Lehrer chantait, seul, au piano, dans des styles musicaux différents et variés, avec des textes satiriques et très bien tournés, tout ça dans les années 50 et 60. Il a tourné à l'époque dans des clubs, enregistré presque deux albums complets et a finalement décidé que la scène, ce n'était pas son truc et a préféré continuer sa carrière de mathématicien. Je ne sais pas ce qu'a valu sa carrière en mathématiques, mais je regrette un peu qu'il n'aie pas continué à faire plus de musique. De fait, de petites chansons juste drôles, à des satires bien visées et hilarantes, sur des sujets variés mais souvent politiques, en passant par des chansons sur les mathématiques, il y a vraiment de quoi s'amuser intelligemment. Et il joue bien, en plus. Certes, c'est dans un style pas très moderne, piano et voix, mais c'est aussi assez indémodable. Je vous invite à découvrir, il traine des morceaux avec paroles retranscrites sur Youtube pour gouter. Des deux albums que j'ai écouté récemment, That was the year est en live et avec des intros engagées et satiriques, et Songs... est une compil propre de tous ses premiers titres, plus variés et plus nombreux.


Joué. Space Dealer. De Tobias Stapelfeld.

Space Dealer n'est pas un beau jeu, il faut le reconnaître : les visuels de style vieille SF ne sont pas très séduisants. Mais qu'importe, le jeu est vraiment original, et, une fois joué complètement (c'est à dire avec les options), il devient passionnant. L'originalité principale de Space Dealer et de fonctionner sans tours et sans points d'action : chaque joueur dispose de deux sabliers, ses robots, il en retourne un sur la zone correspondant à l'action qu'il veut réaliser et une fois celui-ci écoulé, l'action est accomplie. Du coup, tout le monde joue en même temps et gère ses affaires tout en surveillant les autres (pas forcément pendant la première partie, hein, je reconnais). Ce n'est pas un jeu de rapidité mais c'est un jeu rythmé, et qui, de plus, se joue en une demi-heure chrono (ce qui est le temps raisonnable pour faire à peu près tout ce qu'il y a à faire). Pour le reste, il s'agit de produire des ressources sur sa planète, de la développer intelligemment et d'aller livrer lesdites ressources chez ses voisins (avec des vaisseaux qui eux aussi voyagent à coups de sabliers). Et tout ça, outre l'aspect original, fonctionne très bien. Une version de base des règles permet de découvrir et fonctionne bien mais, il faut le dire, tout ça ne prends sa réelle dimension qu'avec les règles complètes. Parce que là, on a de vraies interactions, de choix importants et ça bouge beaucoup plus. Mais il faut d'abord tester avec les règles simplifiées si on veut éviter la panique. Ceci étant, les parties durant une demi-heure, on peut en enchainer deux en moins de temps qu'il n'en faut pour un jeu moyen de même type. Un jeu pour ceux qui aiment l'inattendu mais aussi la gestion et l'adaptation à la volée, sans forcément le temps de réfléchir longuement. Tout à fait un jeu pour moi donc et je dois avouer être très content de cette découverte.


Lu (BD). Toutoute première fois. De Krassinsky.

Toutoute première fois est un bel album de mini-histoires, racontant, vous l'aurez peut-être deviné, les premières fois de nombreuses personnes. Il semblerait accessoirement que ce soient des histoires vraies collectées par l'auteur, ce qui en explique la variété et la crédibilité. Elles vont de trois vignettes à quelques pages (et à mon goût, les plus courtes sont souvent les meilleures...) dans des styles très variés, avec des narrateurs des deux sexes et de tous les ages. Racontées avec finesse et tendresse, elles sont aussi dessinées dans un style que j'aime vraiment bien : trait un peu anguleux mais vivant et capturant vraiment des visages, des expressions et des comportements sans les lisser trop. Certaines histoires sont touchantes, et font forcément écho à beaucoup de choses, mais tout ça est quand même fait pour être drôle et y réussit d'ailleurs tout à fait, sans tomber dans le gras, lourd ou facile. Un équilibre bien trouvé donc, pour un exercice qui aurait put être beaucoup moins fin, beaucoup moins drôle et globalement beaucoup moins réussi.