Chroniques quantiques, correctrices et précautionneuses.



Lu. Surely you're joking, Mr Feynman. De Richard Feynman.

Richard Feynman est (était, pour être précis) un homme remarquable, non seulement pour ses travaux en physique (qui lui ont valu un prix Nobel), mais aussi, et surtout pour ses talents de pédagogue, musicien, aventurier et intellectuel décidé à profiter de la vie au mieux. Il est sans doute plus connu aux Etats-unis que par chez nous, mais il mériterait de l'être bien plus. Ce livre est le premier tome de son autobiographie. A l'instar de son caractère, c'est brillant, décousu et plein de questions inattendues (et de pistes de réponses dans un certain nombre de cas). On y suit, de loin, ses études et avancées scientifiques mais l'ensemble se concentre plus sur des anecdotes de moments qui l'ont amusé, de découvertes personnelles, de tranches de vie et de blagues diverses. Feynman se raconte avec beaucoup d'humour, sans non plus faire dans la confidence trop personnelle, mais il aime penser, découvrir, questionner, ce qui fait toute la richesse d'un tel récit. Certains pourront trouver qu'il en fait parfois un peu trop, mais quand on connait l'envergue du bonhomme, on relativise très rapidement cette impression. J'ai franchement ri à de nombreux moments, et été pas mal fasciné par le personnage en lui-même le reste du temps. Accessoirement, on y découvre aussi les coulisses de certains des projets auxquels il a participé, le projet Manhattan n'étant pas le moindre. Au final, c'est un bonheur quand on connait Feynman, et pour les autres, c'est une entrée pour découvrir un des vrais héros de la science du vingtième siècle, qui mériterait d'être mille fois plus mis en avant que nombre de stars et autres célébrités sans intérêt.


Lu. The trade of queens. De Charles Stross.

The trade of queens est donc le sixième tome de la série des princes-marchands de Charles Stross. Il s'agit d'une série démarrant sur la même base que Ambre (dont il s'inspire ouvertement), mais dérivant rapidement vers un scénario beaucoup moins fantastique, plus mafieux et surtout beaucoup plus politique, au sens large sur la fin puisqu'on s'intéresse de plus en plus aux différences entre les diverses sociétés et la manière dont elles peuvent se développer. Le tome précédent nous avait laissé sur un suspense assez palpitant, et le moins qu'on puisse dire est qu'on reprend en pleine action. Les événements sont de grande ampleur et Charles Stross a fait le choix de ne pas délayer, mais au contraire, de fournir une conclusion efficace à ce qui constitue maintenant une première série complète (ce qui n'interdira pas une suite, au contraire, mais il faut bien dire qu'on a passé un cap). L'écriture est toujours agréable et vive, avec de nombreuses bonnes idées et du rythme. Pour tout dire, c'est même assez rapide tant il y a de choses à boucler, mais tant mieux, on ne perd pas de temps avec des détails en restant uniquement sur les scènes importantes (et ce n'est finalement pas trop frustrant puisqu'aucun des personnages importants n'est oublié). Même si l'ambiance est plutôt à la lecture de détente, Stross touche quand même à de vrais thèmes sérieux et pas tellement drôle, mais avec un équilibre que je trouve particulièrement efficace. Arrivé là, je ne peux que vous conseiller cette série si vous cherchez de la fiction/fantastique détendue, efficace et originale (et elle est maintenant disponible en français, en tout cas pour les deux premiers tomes).


Lu. The corrections. De Jonathan Franzen.

J'ai eu envie de lire Jonathan Franzen, parce que j'en ai régulièrement entendu parler comme d'un des jeunes auteurs qui montent de l'autre coté de l'Atlantique. Effectivement, ça mérite d'essayer. The corrections est un roman familial, dans lequel on suit trois enfants largement adultes et leurs parents âgés, avec en toile de fond les préparations pour un dernier vrai Noël en famille (avant le déménagement des parents, mais pas que). Comme dans toute famille, les relations sont compliquées, et les vies des différents protagonistes aussi, dans des styles très différents. Les grandes parties du roman suivent l'un puis l'autre des personnages plus en profondeur, avec beaucoup de finesse et une attention aux détails et détours des différentes relations et évolutions personnelles. Franzen écrit très bien, non seulement en termes de style, mais aussi en ce qui concerne les personnalités de ses personnages et la manière dont on s'y attache. Chacun a en effet ses difficultés, ses réflexions et son humour, mais aussi une vraie évolution, un scénario par lequel on est très vite accroché et qui se tisse en fonction des autres personnages pour finir par un bien beau Noël. Un très bon roman, très touchant, sur le thème de la famille et des difficultés d'exister en étant soi-même.


Lu. Corrupted science. De John Grant.

Je vous avais déjà parlé du premier tome de cette série concernant l'histoire des sciences (et de leurs erreurs), qui était le plus généraliste. Dans ce second opus, le propos est concentré sur les corruptions volontaires de la recherche et du processus scientifique dans son ensemble. Ces corruptions sont de plusieurs types. On commence par les falsifications impulsées par les scientifiques eux-mêmes, en général afin d'obtenir gloire et fortune, ce qui le plus souvent leur revient en pleine gueule. On continue, de manière encore plus intéressante, par les manipulations dues à l'armée et la religion, et dans les deux cas, il y a pas mal de quoi dire, à toutes les époques. Enfin, on passe en revue trois régimes politiques qui ont poussé la corruption des sciences à des fins idéologiques très loin : le troisième Reich, l'URSS de Staline et les USA de Georges Bush Junior. Et il y a là de quoi être passablement choqué quand on voit d'une part la dimension que ça peut prendre, et d'autres part les parallèles entre ces trois fonctionnements. Sur l'ensemble des thèmes, j'ai vraiment apprécié les nombreux exemples, l'humour et la masse d'informations. Même si c'est globalement extrêmement inquiétant, le tout se lit avec plaisir et de manière franchement fluide pour un contenu aussi dense. Je me demande même si ce tome ne m'a pas encore plus plu que le premier.


Lu. Bogus science. De John Grant.

Le troisième tome, donc, de la série sus-nommée, est consacrée à tous les trucs qui se prétendent scientifiques sans en être du tout si on fouille un poil. Et quand je dis tous les trucs, je ne suis pas tout à fait exact puisque certaines catégories, notamment les fraudes au remèdes miracles, seraient tellement importantes qu'elles sont conservées pour un potentiel opus suivant. Ceci étant, ça laisse quand même une masse de complètement n'importe quoi assez impressionnante, puisqu'on va du mouvement perpétuel, au yéti, en passant par les extra-terrestres mais aussi les médiums qui véhiculent la sagesse de guerriers atlantes vieux de deux millénaires (et qui parlent anglais, oui, oui, mais rigolez pas, des gens deviennent sérieusement riches avec des trucs de ce gabarit). Je ne peux pas dire que ce n'est pas amusant, mais c'est aussi pas mal déprimant de voir à quel point certaines personnes sont prêtes à défendre n'importe quoi et d'autres à l'acheter. Je ne dis pas que ce n'est pas une bonne découverte pour ceux qui ne se rendent pas compte d'à quel point la science peut servir d'excuse à deux balles pour défendre des idées crétines, mais c'est quand même pas mal un grand fouillis. Un fouillis honnête puisque l'auteur ne rentre pas dedans gratuitement, et qu'il accorde un minimum de doute, voire de crédit, à certaines idées. Je me suis moins amusé que dans les deux tomes précédentes, d'une part parce que ça manque de cohérence, et d'autre part parce que la densité d'idées intéressantes est nettement plus faible.


Lu. Principe de précaution. De Mathieu Jung.

Je précise tout de suite : il s'agit d'un roman et pas du tout d'un essai concernant le principe de précaution. Et, accessoirement, d'un roman qui parle effectivement de la société actuelle et de ses dérives plus ou moins schizophrènes, mais pas uniquement du principe de précaution, si ce n'est avec une interprétation assez particulière (et amusante, qui justifie le titre du roman sans forcément en donner une idée juste ceci étant). On suit en fait la vie et les interrogations, angoisses et difficultés quotidiennes d'un cadre financier, père de famille parisien. Et ce n'est pas complètement joyeux, puisqu'il s'angoisse beaucoup d'un peu tout, et particulièrement de la bêtise d'un de ses collègues de travail, gros lourd expansif et faussement amical. La tension monte, et s'ajoute le fait qu'il n'arrive plus à communiquer avec son fils adolescent, et pas tellement avec sa femme non plus. Bref, une vie quotidienne déprimante principalement par sa normalité, racontée de prêt et de manière prenante. Parce que oui, je me suis vraiment laissé prendre : c'est bien écrit, fin et stressant, et, bonne nouvelle, ça va quelque part, avec une vraie fin, acide et cruelle, comme l'ensemble du roman.


Joué. Djam. De William Attia.

Djam est un tout petit jeu, dans la même famille que Dobble, pour ceux qui connaissent, mais il s'agit là d'un jeu qu'on peut légitimement rapprocher du petit bac, voire de certains jeux de lettres. Le principe en est simple : on lance une poignée de dès comprenant des lettres, et il faut trouver un mot comportant le plus possible de ces lettres et commençant par celle indiquée par le dé de couleur, tout en restant dans le thème (indiqué par un dé supplémentaire). Et, forcément, seuls les plus rapides prendront des points. Du coup, trouver vite un mot moyen, ou moins vite un mot trop classe avec toutes les lettres, voilà la question. Tout ça fonctionne franchement bien, sur un mode attendu et efficace. Rapide et facile à transporter qui plus, avec un matériel réduit mais très joli. Accessoirement, différents modes de jeu sont possibles, favorisant plus ou moins la vitesse, ainsi que des séries de thèmes variés permettant de renouveler le plaisir. Au final, un bon petit jeu, facile à emporter en voyage.


Joué. Zack and Pack. De Michael Menzel.

Zack and Pack, c'est une sorte de tétris en 3D sur le thème du déménagement. Effectivement, chacun va en début de tour récolter une série de baguettes en bois, aléatoirement, et essayer de les empiler au mieux dans un camion. Le fait est qu'on retourne une série de camions et qu'il faut estimer rapidement celui qui conviendra le mieux à notre chargement puisqu'on choisit les camions tous ensemble et que les derniers servis le seront sans doute assez mal. Une fois que chacun a son camion, on se calme et chacun remplit en prenant son temps, sachant que les espace vides sont pénalisés, tout comme le trop-plein qui déborde du camion. Le principe, donc, est simple, mais fonctionne diablement bien, et permet donc un jeu vif et rapide sur ce mécanisme que je trouve toujours plaisant : l'emboitage optimisé de pièces en 3D. Ce n'est cependant sans doute pas un jeu auquel on joue pendant des heures, malgré son format, c'est plutôt un gros jeu d'apéro. Ceci étant, je pense qu'il peut fonctionner assez bien avec des enfants pas trop jeunes.