Chroniques menteuses, vaches et cthulhiennes.


Lu. Baudolino. De Umberto Eco.

Ça faisait un bon moment que je n'avais pas lu d'Umberto Eco, et me voilà bien réjoui de m'y être remis. Baudolino raconte donc l'histoire de Baudolino, un petit paysan du Nord de l'Italie adopté par l'Empereur Frédéric Barberousse, charmé par son bagout et son culôt. Et le bagout, comme le culot, il va les garder à travers une vie d'aventures et de découverte de l'Europe et du monde de l'époque. Ce qui fait une grande partie du charme de ce livre, c'est que Baudolino, après s'être présenté comme un grand menteur, raconte lui-même sa vie. Et effectivement, tout n'est pas crédible, en tout cas à nos yeux d'aujourd'hui, notamment les voyages à travers les pays merveilleux et magiques de l'Orient à la recherche du Prêtre Jean. Mais c'est du coup une manière remarquable de découvrir les croyances et l'imaginaire de l'époque, en plus des faits et lieux historiques qu'on découvre de toutes façons : la cour de l'empereur, la vie d'étudiant à Paris, les incessantes guerres italiennes et la chute de Byzance. Le tour de force d'Eco est de faire découvrir une foule de lieux, de personnages et de croyances historiques, parfaitement documentés, en racontant l'histoire fabuleuse et mythomane d'un menteur grandiose et charmant. Ajoutez au milieu de ça une vraie enquête policière sur la mort de l'Empereur et ça donne un bouquin massif certes, mais plus que bien rempli, et un plaisir d'invention et de lecture. Bref, du très bon Eco, surtout si l'époque vous intéresse un peu.


Lu. La reine de Saba. De Marek Halter.

Je ne connaissais pas Marek Halter mais ce roman semble un point de départ plutôt agréable. Il s'agit d'une biographie, romancée, et basée a priori sur des recherches récentes quant au royaume de Saba. Je ne sais pas quelle part en est réellement tirée de recherches archéologiques, mais l'ensemble semble raisonnablement crédible et documentée, ce qui est à mon sens une partie de l'intérêt. On y découvre donc le royaume de Saba à l'époque de la reine légendaire, donc celle de Salomon et de l'égypte pharaonique, ses croyances, arts et techniques, sa société. Sans qu'on entre complètement dans les détails, c'est crédible et intriguant. Et le personnage de la reine lui-même est attachant et sympathique, même si il peut parfois paraître un peu trop parfaite, un peu trop douée pour à peu près tout, un peu trop capable de tout contrôler. Sa rencontre avec Salomon, à l'inverse, est moins stéréotypée qu'on ne l'attendrait, et du coup assez intéressante, avec un Salomon plus vieux, moins parfait et lissé que la reine elle-même, et du coup plus humain et intéressant. Mais on le voit moins, ce qui est presque dommage. Pour le reste, c'est écrit de manière très agréable, facile à lire, et plutôt colorée. Au final, une bonne distraction et une découverte agréable, bien qu'un peu formatée, d'un personnage mythique.


Lu. Cthulhu 101. De Kenneth Hite.

Il est des petits bouquins, comme celui-ci, qu'on achète juste parce que les premières pages vous font rire. Et dans le cas présent, je n'ai pas été déçu, c'était court mais j'ai bien rigolé. Kenneth Hite est un auteur de jeu de rôles talentueux (oui, il y en a) et plein d'humour, qui propose ici une (re)découverte du mythe de Cthulhu. En petits paragraphes thématiques, qui balaient tout, de Lovecraft lui-même aux grands éléments du mythe et à ses adaptations en livres, films, bd et jeux. Et oui, c'est instructif, mais c'est aussi, et surtout, très rigolo, avec en plus de petites illustrations cartoonesques qui me plaisent beaucoup. Bon, c'est un bouquin à la portée et au public limité, d'autant que c'est en anglais, mais c'est un vrai plaisir pour ceux que ça tente.


Lu. Sexe Machin. De Édouard Launet.

Edouard Launet suit les progrès de la science, mais pas de n'importe quelle science : la science champagne. C'est-à-dire les recherches scientifiques sur des sujets qui semble ne rien apporter d'essentiel, mais qui pétillent et qui amusent. Après d'autres recueils moins thématiques, celui-ci concerne le sexe et toutes les recherches effectuées dans le monde entier à ce sujet, dans le cadre de la sexualité humaine, pas animale. Et effectivement, il y a de quoi s'amuser. Regroupés en petits chapitres de deux à trois pages, chacun avec une sous-thématique spécifique, les recherches qu'on y découvre oscillent entre l'absurde, le rigolo et l'inquiétant. Non pas inquiétant sur le fond, mais sur les motivations et réflexions qui ont amené des chercheurs à se lancer dans ce genre de travaux. Tout ça se lit vite, est instructif par moments, et amusant à peu près tout le temps, donc sans rien révolutionner, c'est une lecture agréable et bienvenue.


Joué. Mow. De Bruno Cathala.

J'aime souvent les jeux de Bruno Cathala, et je suis dis pas ça parce que je lui ai touché la main, mais là, c'est sans doute mon préféré. Il s'agit d'un tout petit jeu de cartes, aux règles rapides, dans lequel on va essayer de rentrer des vaches dans son étable mais sans rentrer de mouches, ou le minimum. Le mécanisme, autant que le thème, font penser à 6 qui prend, et le parallèle n'est pas du tout usurpé, sauf que je trouve Mow encore plus réussi. Et ce n'est pas un petit compliment, tant 6 qui prend est un classique des petits jeux de cartes. Plus réussi parce qu'un peu plus méchant, et un peu plus prévisible. Tout en restant aussi rapide, voire plus, et facile à faire découvrir. Quelques cartes spéciales qui permettent de piéger ses voisins, mais qui peuvent vous revenir à la figure, complètent le tableau. Pour jouer rapidement entre amis et bien rigoler, et ce même avec des gens pas très joueurs, c'est une vraie réussite. Par contre, attention, c'est addictif et on se retrouve vite à enchainer les parties.


Joué. The Stars are Right. De Klaus Westerhoff.

Pour rester dans la thématique cthulhienne, et découvert par le biais du bouquin de Kenneth Hite justement, un jeu récent qui ne plaira pas à tout le monde. Un jeu de niche à double titre, en fait. D'une part parce que la thématique cthulhienne, déjà, ça ne parle pas à tout le monde, même si les excellentes et très drôles illustrations de Goomi aident à ce que ce soit plus grand public (il est responsable notamment d'un webcomic cthulien parodique : The unspeakable vault). D'autre part parce qu'il s'agit d'un jeu pour se remuer un peu le crâne, dans le style casse-tête à plusieurs. Des étoiles, planètes, et autres constellations sont disposées en un carré de cinq tuiles de coté (réversibles) et il s'agit à son tour, en un nombre de mouvements limités (en fonction de vos cartes en main et de celles que vous avez déjà réussi à jouer les tours précédents) de les aligner correctement et de pouvoir invoquer une des créatures que vous avez en main (qui vous donnera ensuite des mouvements gratuits ou différents). Arrivé à un certain nombre de créatures, dont un grand Ancien, on gagne. Il s'agit donc d'un jeu de pattern recognition, de reconnaissance et de manipulation de formes et d'assemblages donc. Et il se trouve que j'adore ça, alors avec en plus un thème cthulien rigolo et un joli matériel, je suis conquis. Mais je vous ai prévenu, ça ne plaira pas à tout le monde.