Chroniques yiddish, familiales et capillaires.



Lu. The Yiddish Policemen's Union. De Michael Chabon.

Je ne connaissais pas Michael Chabon mais il a visiblement une réputation bien assise en tant que romancier, principalement dans le champ du roman policier. Il se trouve qu'il a obtenu les prix Hugo et Nébula pour ce roman, qui n'a pas grand chose de la science-fiction pourtant puisqu'il relève plutôt du roman policier, certes dans un cadre d'histoire alternative, mais contemporaine. De fait, le cadre dans lequel se déroule l'histoire fait beaucoup pour fasciner et pour intriguer : dans ce monde, les Etats-Unis ont appliqué une proposition (réelle, mais finalement refusée par le congrès en vrai) qui réservait une part du territoire de l'Alaska pour les réfugiés juifs européens pendant la seconde guerre mondiale. Dans le même temps, l'installation des juifs en Israël échoue et Sitka, en Alaska, devient donc la patrie juive. Inattendu, décalé, c'est un cadre très séduisant et très bien traité. De toutes façons, Chabon écrit vraiment très bien et de manière documentée et pleine d'idées. Dans ce cadre donc, une vraie enquête policière, avec un inspecteur désespéré réfugié dans un hôtel glauque après son divorce, des joueurs d'échec, des fondamentalistes, des magouilles en tout genre, des histoires de messie mais aussi de petits traffics plus quotidiens. Vous aurez deviné, une vraie intrigue bien construite avec une belle progression, mais aussi beaucoup d'ambiance, et de vraies clins d'oeil et références aux romans noirs et aux policiers classiques. J'ai vraiment trouvé que le mélange prenait très bien : une très bonne intrigue, un cadre fascinant et riche, des personnages attachants, une belle écriture et du rythme. Un vraiment très bon roman, que je vous conseille vivement. Je me demande juste pourquoi le Hugo et le Nébula, mais c'est pas comme si il ne méritait pas effectivement d'être primé.


Lu. The Family Trade. The Hidden Family. De Charles Stross.

Je vous avais déjà parlé de Charles Stross, découvert avec le remarquable Halting State. Ayant fait le tour du reste de ses écrits, je me suis donc lancé dans la dernière des séries de cet auteur : celle des princes marchands. Le postulat de départ n'est pas d'une originalité inouïe, il rappelle même très fort Ambre : une famille possède le don de changer de monde, entre notre monde et un monde médiévalisant. Là où, dès le départ, Stross se distingue, c'est dans son approche de la question en général, et son héroïne en particulier (attention, petits spoilers) : la famille en question vit en faisant du trafic de cocaïne (parce qu'éviter les douanes en passant par un autre monde, c'est pratique et très sur, même si c'est lent), avec une ouverture d'esprit de mafieux paranos élevés dans un monde renaissance ; l'héroïne à grandit dans notre monde, est une adulte indépendante et gagne sa vie comme journaliste d'investigation dans les nouvelles technologies, et elle n'a aucune intention de perdre son indépendance ou de se faire mener en bateau. Vous imaginez bien que la confrontation des deux ne va pas être de tout repos. Comme souvent avec Stross, on ne lésine pas sur le scénario, les surprises, les retournements et les chocs, et tant mieux, même si parfois, on pourrait apprécier de prendre plus son temps avec les personnages ou les situations. Mais si on apprécie que ça bouge et qu'on reste concentrés, c'est bien. Je chronique ces deux tomes ensemble parce qu'à mon sens, ils forment une vraie unité qui voit la résolution des premières grandes questions posées, ce qui n'est pas vraiment le cas à l'issue du premier tome. On pourra reprocher un point de vue très pro-technologie, voire pro-capitaliste, mais on a du même coup un vrai traitement des inégalités sociales et genrées dans les sociétés médiévales et victoriennes, et de vrais contenus sur le développement des sociétés. Bref, sur une base qui peut sembler classique, en fait plutôt non : des romans denses et assez originaux.


Lu. The Clan Corporate. The Merchant's War. De Charles Stross.

Dans la même série que les deux précédents : la suite. Ils constituent moins une unité que les deux premiers mais j'en parle groupé quand même sinon on s'en sortira pas. Plus ça va, plus Stross se permet de partir dans tous les sens et de s'éloigner du cadre convenu qu'il s'était donné au départ (et qu'il avait déjà raisonnablement maltraité). En effet, on continue à traiter les différences culturelles, l'absence totale de morale de la politique de haut vol, mais aussi la place des femmes dans des sociétés traditionnelles (et de culture européenne pour le coup). En plus, on va aussi partir dans le roman d'espionnage, mettre ça en rapport très direct et critique avec la politique de l'Amérique des années Bush, et donc faire de plus en plus dans le réaliste, mais on va également partir dans des directions plus directement science-fiction en se posant la question du comment et du pourquoi on passe d'un monde à l'autre. J'apprécie vraiment que Stross s'autorise autant de liberté et ait autant de courage dans le choix d'ouvrir au maximum et de traiter de manière approfondie et réaliste les thèmes qu'il aborde. Certes, on y perds un peu en fluidité et en cohérence, mais tout fonctionne malgré tout et le scénario de fonds réussit à tenir tout connecté ensemble, et à proposer du coup des rebondissements nombreux et parfois brutaux, mais toujours très justifiés. Par contre, il faut du coup bien se dire que ça va s'étaler sur un certain nombre d'autres tomes et continuer à brasser dans tous les sens vu le nombre de portes qu'on ouvre. Je ne m'en plaindrais pas mais je vous préviens, si vous cherchez une petite série cohérente et où tout boucle rapidement et proprement, prenez-en une autre.


Joué. Chantilly. De Jeffrey Allers.

Chantilly est un petit jeu au principe simplissime : se partager des parts de tarte. Chacun va essayer de s'en tirer avec le plus de parts possibles, et surtout d'avoir celles qui au final auront le plus de valeur. Parce que forcément, les valeurs des parts dépendent des circonstances, de qui en a le plus et tout ce genre de choses. A chaque tour, un joueur assemble une tarte puis la découpe en autant de parts que de joueurs, puis chacun choisit sa part, lui le dernier. Le but est donc de composer des parts qui n'arrangent personne et qui nous donne la possibilité d'en récupérer une pas trop mauvaise en fin de tour. Pour les autres joueurs, le dilemme est toujours entre « prendre la part qui m'arrange le plus (si tant est que ce soit facile à identifier) » et « prendre une part qui m'arrange à moitié mais qui évitera aux autres de faire un coup hyper rentable ». Comme je le disais, du simple et classique dans le type de choix, mais avec un mécanisme simple et efficace, et un thème que je trouve tout à fait adapté. Bref, un très bon petit jeu amusant, de type apéro.


Entendu en concert. Volo (Avec Ben Mazué en première partie).

Je vous en parle tout de suite comme ça je serais défoulé : si vous avez envie d'écouter un jeune blanc-bec machiste, fan de scooter et de gros rap chantouiller un mélange rap/RnB/chanson française sur des textes sans imagination ni talent, allez voir Ben Mazué en concert. Sinon, évitez. Ceci étant dit, au moins, la première partie n'a pas duré longtemps et nous avons pu profiter des choses sérieuses : Volo, pour de vrai, en concert. Alors, je donne tout de suite pour les vrais fans l'info importante de la soirée : Fred s'est coupé les cheveux. Oui, plutôt court. Je vous laisse digérer l'information en vous parlant du reste : Volo en concert, c'est vraiment bien, avec un gros son, qu'on attends pas forcément à l'écoute des albums mais qui donne une dimension vraiment nouvelle et agréable à nombre de chansons. Comme, en plus, les musiciens sont franchement bons, des improvisations, solos et autres fins de chansons rallongées parsèment le concert et lui donnent une dimension musicale plus forte et variée que sur album. Pour le reste, les chansons sont toujours aussi bien, l'ambiance agréable (même si question jeu de scène, c'est tout à fait l'opposé des wriggles : détendu et informel, sans spectacle entre les morceaux) et quand on aime, on y retrouve tout ce qu'on aime, et plus. Petit bémol dans le cas de ce concert spécifique au Kao : des problèmes de son sans doute ponctuels et probablement liés à la salle plus qu'autre chose. Rien d'handicapant, mais dommage quand même. Du très bon concert donc, que je conseille très vivement, d'autant que même en termes de durée, on en a pour son argent.


Vu. Weeds, saison 1.

Dans un quartier résidentiel américain, de type résidence privé pour gens aisés, avec des petites maisons toutes pareilles et des gens tous pareils et très diplômés (si vous devez ne voir qu'une chose, voyez le générique, c'est une merveille), une mère de famille jeune et jolie ayant récemment perdu son mari se rabat sur la vente d'herbe pour conserver son train de vie. Et celui de ses deux enfants, de 10 et 15 ans. L'idée de base permet déjà pas mal de choses, mais ce sont surtout les personnages qui donnent son intérêt et sa force à la série. La mère en question, gentiment originale et volontaire, ses enfants (j'aime particulièrement le cadet perturbé mais très attachant), ses clients et amis avec leurs problèmes de gens riches et protégés qui s'ennuient et ne comprennent pas forcément grand chose du monde, la famille de dealers aux dialogues inoubliables : c'est une série peuplée et vivante. Et drôle, mais pas que, parce qu'on parle aussi de choses tristes et touchantes, et aussi de questions de société par la bande, avec quand même un vrai fond cynique. Soyons honnête, c'est d'abord une série pour se distraire, mais qui parle quand même de plein de choses et qui a fait le choix malin d'épisodes courts qui laissent toujours le spectateur sur sa fin. Vraiment sympathique.