Chroniques urbaines, zen et agricoles.


Lu. Neverwhere. De Neil Gaiman.

Un des premiers romans de Gaiman, que je n'avais pas encore lu, Neverwhere est un voyage poétique et plein de charme dans un Londres inattendu. Le héros, normal au possible, découvre par accident l'existence du Londres d'en-dessous : le Londres des exclus, baigné de fantastique et de créatures étranges, mais surtout de personnages flamboyants empétrés dans des luttes de pouvoir autant que dans une existence souterraine et décrépite. On retrouve cette tendance de Gaiman d'avoir des héros dotés de pouvoirs fantastiques mais de conditions de vie miséreuses. Accessoirement, la parabole sur l'exclusion et l'invisibilité des personnes en marge ne laisse pas indifférent non plus. Et comme c'est écrit avec finesse et poésie, c'est un bon moment. A essayer sans hésitation si vous aimez Gaiman ou si le thème vous séduit.


Lu. The Life-giving sword. De Yagyu Munemori.

Yagyu Munemori était l'instructeur personnel des trois premiers shogun Tokugawa, et le maitre de l'école Shinkage-Ryu. Ca ne vous dit sans doute pas grand chose. C'était aussi un des contemporains et concurrents de Miyamoto Musashi, à ce détail près qu'il ne s'agissait pas d'un épéiste itinérant, mais d'un conseiller personnel du shogun. Son parcours est impressionnant, tout autant que ses multiples talents artistiques, martiaux et politiques, voire religieux. Une homme accompli et respecté, pourrait-on dire. Dans cet ouvrage, très bien traduit et annoté au demeurant, il expose les fondamentaux de sa pensée et de son école de sabre. Les références érudites pullulent mais les notes du traducteur leur resituent astucieusement. Et si il s'agit d'un ouvrage destiné, pour l'aspect technique, à des personnes ayant reçu l'enseignement pratique de son école, il s'agit aussi d'une dissertation passionnante sur l'esprit du maitre et les valeurs qu'il attache à la pratique du sabre et à la vie en général. Et là, ca ne parle pas qu'aux sabreurs. C'est lisible, profond et passionnant pour peu que la philosophie orientale, voire l'histoire du japon et de la pensée japonaise, vous intéressent un peu. Difficile à résumer, mais disons que les ponts avec le zen sont nombreux et que l'épée est au final un instrument de paix, intérieure et extérieure.


Lu. Encore des mots à découvrir. De Alain Rey.

Alain Rey est un amoureux de la langue et des mots. Il réalise pour la radio une chronique régulière dans laquelle il traite d'un mot en relation avec l'actualité, de ses origines, de ses sens et de ses particularités. Etant moi-même sensible aux mots et à leurs détours, j'ai pris grand plaisir à découvrir ou redécouvrir l'histoire de nombreux mots de la langue française. Outre qu'il s'agissait d'une mission de salubrité publique, c'est aussi très facile et agréable à lire, et le fait que les opinions politiques et éthiques de l'auteur me conviennent parfaitement ne gache rien. A déguster par petites doses, les yeux brillants, dès que vous avez une envie de découvertes.


Lu. Halting State. De Charles Stross.

Je découvre Charles Stross avec ce livre, décidé par le thème et le fait que Gibson en dise du bien en couverture. Et c'est une vraie belle découverte, je suis bluffé. L'histoire se déroule dans un futur proche, 2018, dans lequel les téléphones portables et les réseaux actuels ont pris une place majeure mais logique, tout comme les jeux multijoueurs en ligne. Et sur cette base-là se construit une histoire d'espionnage à grande échelle, dans une ambiance geek et pleine d'humour. Bien sur, ça marche mieux si on a des références de geek. Et si on supporte l'écriture de Stross, que j'aime vraiment beaucoup, mais qui, il faut l'avouer, est très dense et surprenante. Tout est écrit à la seconde personne (you), avec plusieurs personnages, ce qui demande un peu d'acclimatation mais fonctionne finalement extrèmement bien. D'autant que les personnages sont droles et attachants, et leurs tournures et le style pleins de clins d'oeil et de drolerie. Ce n'est pas un bouquin que je conseillerais à tout le monde mais c'est un bouquin remarquable pour qui supporte une écriture dense et déscalée et une ambiance geek qui part dans tous les sens. En tout cas, en ce qui me concerne, je suis parti pour tester vite d'autres livres de Stross.


Joué. Agricola. De Uwe Rosenberg.

Agricola est un des jeux à gros buzz de cette année, je me devais de l'essayer. Et j'en suis fort content. Il s'agit d'un jeu de gestion pour joueurs, c'est-à-dire avec beaucoup de choses à prendre en compte, mais disposant d'une version familiale et de très nombreuses options permettant d'adapter la richesse à vos envies. Exemple typique de l'école allemande actuelle, les interactions sont peu nombreuses entre joueurs et il n'est pas question d'aller embèter directement son voisin. Chacun développe sa ferme dans une ambiance 17ème : on achète des animaux, on plante ds légumes, on agrandit sa maison et on se reproduit. J'aime bien cette ambiance agricole paisible inhabituelle dans les jeux de développement/gestion. Et j'aime beaucoup l'ensemble des mécanismes et le rythme du jeu. Beaucoup de choix, une envie de rejouer pour tester d'autres approches, tout ce qu'il faut pour un jeu à ressortir régulièrement entre joueurs motivés.