Chroniques tombales, scriptées et fulgurantes.



Lu. The graveyard book. De Neil Gaiman.

Bien que le titre français ait escamoté ce clin d'œil, the graveyard book est en grande partie un hommage au Jungle Book, le livre de la jungle. Détail crucial cependant, le nourrisson n'est pas ici adopté par les animaux habitant la jungle, mais par les résidents, décédés donc, et fantomatiques pour la plupart, d'un vieux cimetière anglais. Baptisé Nobody et adopté par le couple Owens, cet enfant va être élevé selon les références des habitants, c'est-à-dire de manière anachronique mais diversifiée, et apprendre quelques unes des astuces et pouvoirs des morts. Et en plus de ces aspects touchants et amusants de roman d'apprentissage, il y a aussi un scénario de fond avec des grands méchants et une menace. Outre que je me demande bien comment on peut traduire les noms et statuts des méchants (qui sont terriblement liés à des expressions anglophones), il faut reconnaître que ce scénario est finalement assez anecdotique. Il est bien monté, avec de vrais retournements qui m'ont vraiment pris par surprise, et il ménage de vrais moments de suspense, mais finalement, il permet surtout de mieux profiter des personnages, de leurs liens et de leurs évolutions. Un vrai roman d'apprentissage et d'adolescence, de fait, et du très bon boulot de scénario, avec toute l'originalité dont est capable Gaiman, et son style semi-gothique mais touchant et riche de détails et de personnages. Ce n'est pas le meilleur de Gaiman, et même si ça me fait pas mal penser à Pratchett, on est pas non plus tout à fait au même niveau de fluidité et de finesse générale, mais ça reste vraiment très bon, décalé et un grand plaisir de lecture et de clins d'oeil.


Lu. Blanche Neige et les Lance-missiles. De Catherine Dufour.

Catherine Dufour propose ici une compilation de ses deux premiers ouvrages : les grands alcooliques divins et l'ivresse des providers. Comme les titres vous l'auront fait deviner, il s'agit de romans parodiques, humoristiques, sur les thématiques des contes de fées et de la fantasy pour la première partie, et l'internet et le fantastique pour la seconde. Le fait est que ça se veut très humoristique, trop sans doute pour mon goût, en fait, et avec beaucoup de facilités. C'est en ce sens que la comparaison à Pratchett, beaucoup mise en avant, est à mon sens tout à fait usurpée : à où Pratchett réussit de manière impressionnante un numéro d'équilibriste entre histoire, émotion et humour fin, on est ici dans le calembour à tours de bras, les surnoms vulgaires et super-rigolos et bien trop faciles et répétitifs, et les histoires et personnages qui manquent largement de cohérence et qui ne servent que de support lâche à des enchainement de blagues et d'idées satiriques. Certains traits satiriques et humoristiques sont bons, certes, mais pas assez pour qu'une telle accumulation fonctionne (si tant est que ça puisse fonctionner tout court). Bref, sur la longueur, pour moi en tout cas, ça en devient très lassant, voire franchement lourd et épuisant par moments, malgré de bonnes intentions. Pour information, j'ai vraiment failli m'arrêter à un tiers du bouquin, complètement essoré, et je me suis forcé pour finir (il se trouve que la seconde moitié est moins épuisante, mais je ne peux pas dire qu'elle m'ait vraiment plu non plus). En termes de style, là aussi, l'accumulation de trop m'a usé, entre des passages très littéraires, souvent de manière parodique, souvent trop poussés et trop longs, et des irruptions brutales de langage très parlé et de blagues faciles et lourdes, ça ne fonctionne pas tellement pour moi. Malgré tout ça, il y a de bonnes idées amusantes, des références qui me parlent, des fonds de scénario qui auraient pu donner quelque chose, mais non. Mais gros manque de finesse pour mon goût, l'auteure en fait trop dans la blague qui part dans tous les sens et le foutraque pour être foutraque, même si c'est souvent avec un enthousiasme touchant et contagieux (et d'ailleurs, j'ai beaucoup apprécié la postface avec commentaires sur les textes). Pour moi, en tout cas. Maintenant, si vous aimez le parodique qui en fait un peu des caisses, avec des idées rigolotes qui partent dans tous les sens sans forcément beaucoup de cohérence, ça peut vraiment marcher.


Lu. Kaamelott, saison II. De Alexandre Astier.

Oui, oui, lu, parce que justement j'ai découvert que les textes complets des épisodes étaient publiés sous forme de bouquins. Et il se trouve que, oui, ça m'intéresse. Je ne dis pas : il faut sans doute pas mal connaître la série pour en profiter pleinement, pour lire les textes en replaçant les voix et surtout les intonations, qui font une grande partie du succès de la chose. Mais justement, le fait d'avoir les textes eux-mêmes permet de se détacher un peu de l'interprétation et de profiter plus pleinement du travail d'écriture qui est tout aussi remarquable, voire de le regarder de près et de l'analyser un peu. Et pour peu qu'on s'intéresse effectivement à ce travail d'écriture et au texte lui-même, c'est extrêmement plaisant et intéressant, même si je me rends bien compte que ça ne concerne du coup qu'un public réduit. Il s'agit par contre strictement des textes fournis aux acteurs pour le tournage, qui n'ont pas été mis à jour d'éventuelles interprétations (mais je n'ai rien repéré de notable comme différences) et sans non plus de commentaires. Moi, je ne regrette pas et je récupérerais le premier tome à l'occasion, à vous de voir si c'est votre truc ou non.


(Re)-Lu. L'intégrale Raoul Fulgurex. De Tronchet et Gelli.

Si par hasard vous ne connaissiez pas encore Raoul Fulgurex, voici donc une occasion parfaite de vous rattraper : l'intégrale publiée à vil prix chez Glénat. Raoul Fulgurex donc, est à l'origine contrôleur d'intrigue dans l'administration des œuvres de fiction, mais suite à une intervention de sa part pour sauver Balmine Fuso, héroïne capiteuse de la série qu'il contrôle, il va être muté dans la brigade d'intervention. Et là, il va devoir rattraper les intrigues qui dérivent, les héros qui font plus ou moins n'importe quoi et surtout, rapidement, la révolte des personnages secondaires et des toujours vaincus des œuvres de fiction. Vous l'aurez compris, c'est un peu n'importe quoi, mais en fait pas tant que ça tant l'idée de départ est bonne et riche : une administration contrôle de l'intérieur le déroulement des scénarios de livres, bandes dessinées et films, ce qui donne donc l'occasion de dénoncer et de rire de tous les grands clichés des scénarios classiques, notamment tintin qui en prends pour son grade, mais aussi King Kong et toute la littérature et les films classiques de ces époques-là. Au milieu de tout ça, Raoul Fulgurex, héros idiot à la mâchoire proéminente, fait ce qu'il peut, court, se fait courir après et martyriser par des protagonistes tout aussi idiots. C'est vraiment drôle et plein de clins d'oeil qui me font beaucoup rigoler, c'est bien dessiné aussi même si le plus petit format permet un peu moins d'en profiter que dans l'édition d'origine. Bon, les titres d'origine, qui mériteraient un prix pour leur idiotie géniale (le secret du mystère, la mort qui tue et les mutinés de la révolte), passent par contre malheureusement un peu inaperçus. Malgré tout, c'est quand même un vrai bonheur que d'avoir cette édition intégrale d'une série drôle, pleine de bêtises géniales mais aussi pourvue d'un scénario ayant étonnamment de fonds et de richesse dans la dénonciation des clichés de scénarios. Et à ce prix-là, honnêtement, si vous aimez les BDs satiriques, qui partent dans tous les sens mais qui sont loin d'êtres bêtes, faut y aller.


Vu. Archer. Une série de chez FX.

Archer est une série télé pour le moins incongrue. D'une part, il s'agit d'un dessin animé, mais pour adultes et avec un style assez réaliste. D'autre part, il s'agit d'un personnage et de scénarios passablement arrachés et sans retenue. Sterling Archer est agent secret, caricature de James Bond mais obsédé sexuel, extrêmement désagréable et agressif avec tout le monde, sans aucune moralité et doté d'un complexe d'Oedipe démesuré. Pour ne rien arranger, sa mère dirige Isis, l'agence dans laquelle il travaille, et est pas mal perturbée elle-même. Notez que l'ensemble de ses collègues aussi, à des degrés et dans des styles différents. Chaque épisode dure une vingtaine de minutes, dans lesquelles Archer réussit en général à insulter tout le monde de manière toujours blessante et parfois répréhensible, tout en résolvant un certain nombre de problèmes, problèmes qu'il a le plus souvent posé lui-même, quand ce n'est pas sa mère ou un de ses collègues. C'est une série qui n'en est qu'à ses débuts, et qui vise ouvertement un public plutôt trentenaire et friand de choses plutôt décalées et potentiellement choquantes pour des plus jeunes ou des plus vieux. Pour l'instant, ça réussit à se renouveler et à proposer des scénarios qui ne se répètent pas trop (même si ils servent surtout de support aux exactions des différents personnages et aux dialogues souvent vulgaires et en général drôles qui les opposent), mais je ne sais pas si ça réussira à tenir vraiment longtemps en restant prenant. En attendant, je vous conseille d'y jeter un œil, ne serait-ce que par curiosité, ça ne devrai pas vous laisser indifférent, au moins.