Chroniques championnes, apaches et utopiques.


Lu. Breakfast of Champions. De Kurt Vonnegut Jr.

Kilgore Trout est un auteur de science-fiction sans aucun succès. Dwayne Hoover est un vendeur de voitures ayant réussi. Ils vont se rencontrer et Dwayne Hoover n'en sortira pas sain d'esprit. Mais ça, c'est plutot la fin du livre, même si c'est annoncé dès le début. En fait, l'histoire elle-même n'a que peu d'importance. C'est un livre très étrange, unique. Vonnegut écrit par petits parapgraphes, et explique tout, comme s'il s'adressait à des lecteurs d'un autre temps, ou d'une autre planète, qui ne connaissent pas les Etats-Unis des années 70, et il dessine, mal, pour illustrer. Mais, à l'instar d'un Hunter Thompson, son recul et sa perspective très décalée sont d'une pertinence rare et donnent à voir le monde, et les gens, autrement. C'est un livre qui ressemble à une blague, et qui en est une mais pas que, c'est aussi vraiment une oeuvre remarquable et une lecture piquante et critique de la société américaine (et donc du monde moderne auquel elle a donné naissance aussi). Et drôle, et surprenante, et pleine d'idées importantes aussi. Il faut supporter la forme décousue, à l'air très simple dans le propos mais en fait pas du tout, mais ça mérite à mon sens très largement de faire l'effort (si c'en est un parce que dans mon cas pas tellement, ça m'a juste fait sourire, voire rire franchement pour certains passages).


Lu. I am Charlotte Simmons. De Tom Wolfe.

Il est des livres, comme ça, que je choisis par pure curiosité, sans savoir trop quoi en attendre. Charlotte Simmons est une jeune étudiante brillante, issue d'une famille pauvre, très croyante du fond rural des Etats-Unis. Elle part à l'Université grace à une bourse, et pas n'importe quelle université, mais une des quatre les plus prestigieuses du pays. Et l'université, c'est le gros bizness autour des sports médiatisés et les cours adaptés pour les athlètes, les fraternités, les coucheries, l'acool et la vie sociale d'étudiants de la haute société. Elle y rencontre plusieurs autres étudiants, qu'on suit de manière détaillée : un sportif, une star de fraternité et un nerd journaliste. Bon, c'est pas Beverly Hills mais un peu des fois, avec ceci dit un regard critique et amusé sur cette vie universitaire et toutes ses concessions. Les personnages sont attachants et il se passe pas mal de choses, mais le trait est parfois un peu marqué, principalement en ce qui concerne le personnage principal, qu'on voit quand même beaucoup plus que les autres. Disons qu'un personnage un poil moins caricatural m'aurait sans doute aidé à l'apprécier plus, ou une narration plus resserrée, je ne sais pas. J'ai pris plaisir à lire Charlotte Simmons, et je comprends que ça soit un succès mais je ne suis pas complètement conquis non plus.


Lu. Géronimo. De Olivier Delavault.

Dans cette nouvelle collection de biographie, j'avais beaucoup apprécié celle de Attila et je me suis laissé intriguer par celle-ci. Autant le dire tout de suite, j'ai été en partie déçu. Non que le personnage ne soit pas intéressant, mais l'écriture et la structure de l'ensemble m'ont quand même pas mal freiné. De fait, l'auteur connait son sujet, et en est très passionné, sans doute trop par moments. Mais du coup, il fonctionne systèmatiquement en aller-retours, faisant là un détour dans le futur de ce personnage secondaire, là dans le passé de celui-ci, et au final, quand on ne connait pas la période par coeur, on manque de repères et on a rapidement des moments de flottements et de flou. Et dans une biographie, les moments où on ne sait plus où on en est, c'est dommage. A coté de ça, Géronimo est un personnage désespéré, fort et assez impressionnant, et assez imposteur dans son rôle de symbole de la cause indienne. Ce qui est par ailleurs rappelé beaucoup trop, notamment dans les cinquante premières pages, c'est-à-dire avant qu'on ait les éléments pour être d'accord avec l'auteur. J'ai ceci étant appris plein de choses intéressantes et ça m'a resitué le 19ème américain et indien, mais je vous conseillerais plutot de trouver un autre livre (à moins que la conclusion en forme de diatribe enflammé contre les fans d'indiens détestant forcément leur culture d'origine ne vous amusent et ne vous étonnent autant que moi).


Vu. La graine et le mulet. De Abellatif Kechiche.

La graine et le mulet est un film fin et rare, et ça fait plaisir qu'il ait autant de succès. Filmé avec une proximité et une tendresse pour les personnages telle qu'on entre vraiment dans leur quotidien, qu'on les touche du doigt, le film nous entraine sur les pas de Monsieur Beiji. Monsieur Beiji a la soixantaine, est immigré et vit séparé de sa famille, dans un petit hotel du port de Sète. Il revient de son travail au port avec du mulet pour sa fille et pour son ex-femme, en mobylette. On ne veut plus de lui, là-bas, il n'y a plus assez de travail. Puis il retourne à sa chambre d'hotel, passe ses nuits avec la propriétaire du lieu et discute avec sa fille, qu'il considère un peu comme la sienne, sa nouvelle famille. Monsieur Beiji, comme tous les autres acteurs, sont impressionnants de présence et de justesse, et sa fille adoptive en particulier. Ils donnent vie aux personnages et les rendent proches, vrais et touchants. Tous les échanges, les dialogues, sont construits et filmés avec chaleur, avec humanité. C'est un film pour être touché, et je n'ai pas vu passer les deux heures et demie tant il a, pour moi, atteint son objectif.


Joué. Utopia. De Arnaud Urbon et Ludovic Vialla.

Utopia est un faux gros jeux. C'est-à-dire que c'est une grosse boite, vraiment, avec plein de matériel dedans : un très beau plateau, plein de pions de toutes les couleurs bien illustrés et surtout des tas de beaux batiments en plastique de cinq civilisations antiques. Là, on se dit, ça va être massif, or non. Chaque joueur est un ministre du roi d'Utopia, chargé d'accueillier des princes(-ses) aztèques, romains, égyptiens, perses et chinois, et de les faire construire de beaux batiments dignes de leur civilisation. Ces batiments vous rapportent du prestige, selon les gouts actuels du Roi. Tous cela est géré en deux phases, une avec des pions et une avec des cartes, permettant de faire apparaître, déplacer et transformer en batiments les princes étrangers. Les mécanismes sont simples et fonctionnent bien avec un certain nombre de petites astuces bienvenues. Ca se joue vraiment avec des gens pas passionnés de gros jeux même si ça dure en général plus longtemps que l'heure annoncée sur la boite. C'est donc un bon gabarit de jeu pour se faire plaisir avec quelque chose de beau, d'un peu consistant mais sans être repoussant pour les non-passionnés de jeu.