Chroniques poulpesques, rupestres et motardes.



Lu. Kraken, de China Miéville.

Je n'avais jamais lu de roman de China Miéville, et pourtant, on m'en avait parlé depuis assez longtemps, en bien, en me disant que c'était un auteur qui avait des idées et des choses à dire. Effectivement, c'est le cas, et assez largement.
Ici, il s'agit de fantastique contemporain, avec des sectes bizarres, des magies étranges, tout ça dans un cadre très contemporain, très urbain (londonien pour être précis) et assez sombre.
Bref, on est loin du kistch de beaucoup de romans fantastiques, et plus proche de Tim Powers, ou d'Unknown Armies qu'autre chose.
En ce qui me concerne, tant mieux, d'autant que Miéville, sur cette base plus si nouvelle, propose une masse d'idées et de personnages assez impressionnante.
Et fortes, marquantes, crédibles aussi pas mal donc dérangeantes, mais aussi parfois légères et dans le clin d'oeil (mais ça reste très ponctuel, on est loin de l'ambiance de Charles Stross, même si les références et la densité sont parfois communes).
Je ne peux pas dire grand chose du scénario sans en révéler potentiellement trop, mais je dirais simplement que, d'une part, il y a de la matière : bien des auteurs auraient fait cinq romans avec les idées et changements de direction qu'il y a là-dedans,
et, d'autre part, le propos final m'a vraiment beaucoup plu même si je ne l'ai pas tellement vu venir.
En termes d'écriture, c'est dense, bien foutu et original (oui, c'est cohérent avec le fonds), mais je ne le conseillerais par contre pas à des lecteurs qui ne sont pas franchement à l'aise en anglais, et je ne sais pas dans quelle mesure les traducteurs s'en sortent.
Au final, je suis très content de cette première rencontre avec China Miéville, j'ai trouvé un remplaçant à Tim Powers (et avec probablement plus de fonds et de complexité, plus de caractère aussi),
et j'en ai déjà des autres en attente du coup (oui, je n'aime pas être pris au dépourvu, si par hasard la bise doit venir).


Vu. La grotte des rêves perdus, de Werner Herzog.

Werner Herzog, qui n'est pas complètement n'importe qui question cinéma, a obtenu l'autorisation, et c'est le premier, de filmer la grotte chauvet, qui n'est pas n'importe quoi question peinture rupestre et lieux fascinants,
et il a choisi de le faire en 3D qui plus est. C'est bien le premier film à me faire penser que la 3D au cinéma peut servir à quelque chose. Le principal intérêt du film est là, d'ailleurs :
découvrir la grotte Chauvet comme si on y était et profiter des peintures dans leur environnement avec les effets de relief et d'éclairage, qui donnent tout autre chose que les photos qu'on peut en découvrir par ailleurs.
Bien sur, on regrettera de ne pas pouvoir avoir de vraies lumières de torches, mais les conditions de tournage ne permettait pas ce genre de choses.
C'est une des limites d'ailleurs, mais aussi un choix de réalisation, que de montrer pour une partie des images d'une qualité moyenne, voire mauvaises, mais qui retracent les conditions de tournage et le projet du film lui-même.
Personnellement, ça ne m'a pas gêné, ça m'a permis de rentrer dans l'ambiance mais ça peut se discuter. L'autre point à mon sens dommage est la musique, qui prend beaucoup de place,
alors que les peintures sont assez fortes et émouvantes pour que ce ne soit pas du tout nécessaire. De la même manière, la voix off fait un peu daté, alors que le contenu des commentaires,
et des interviews de chercheurs est au contraire très intéressante, avec une approche très sensible et émouvante, tout autant qu'un contenu scientifique passionnant.
A mon sens, c'est vraiment un film à voir, parce que le contenu est fascinant, mais on peut discuter d'un certain nombre de choix de réalisation.
 

Lu. La planète des sages, de Jul et Charles Pépin.

C'est a priori une idée étrange que de proposer une encyclopédie (résumée) de l'a philosophie sous forme de semi-BD, mais l'ensemble fonctionne assez bien, même si on peut se demander quel est vraiment le public ciblé. L'album fonctionne par double pages : une planche de Jul concernant un philosophe, et un texte d'une page sur le même, de Charles Pépin, commentant le BD et présentant plus ou moins un des aspects centraux de l'œuvre en question. Les planches de Jul sont, comme toujours, tout à fait réussies et très à mon goût : de bons gags, des mines idiotes, des références décalées, bref, ça me convient très bien même et il y a à chaque fois, comme l'explique le texte, un vrai rapport avec le philosophe et son propos (de loin, parfois, mais n'empêche). Les textes rebondissent sur ces planches, et présentent avec humour la pensée (ou une partie) attenante. Ils sont globalement amusants et plutôt bien tournés même si je ne les trouve pas forcément au niveau des dessins. Maintenant, à titre de vulgarisation, c'est assez réussi. A quelques exceptions qui m'ont pour le coup posé problème. De fait, à vouloir faire de l'humour sur des textes si courts, on peut parfois passer pas mal à coté. Dans certains cas, j'ai même trouvé les textes carrément partisans, voire malhonnêtes (résumer Baudrillard à la »connerie » qu'il a écrite après le 11 Septembre, par exemple, je trouve ça largement problématique). Maintenant, c'est très minoritaire, soyons honnêtes. Au final, donc, un bouquin rigolo, accessible, mais avec quelques limites cependant.


Lu. L'exode selon Yona, tome 2, de David Ratte.

Sans s'appesantir, je dirais simplement que la série continue, avec la même qualité d'écriture, de dessin, et le même humour. On pourra regretter que l'histoire n'avance pas plus sur ce tome, mais finalement, le plaisir de lecture est là et on a plus qu'à attendre le suivant.


Vu. Mammuth, de Benoit Délepine et Gustave Kervern.

Mammuth est un vrai ovni, qui est bien le moins qu'on puisse attendre du duo Délepine/Kervern, et c'est un ovni sacrément réussi. C'est un road-movie, pour commencer, le parcours de Serge Pilardos, récemment à la retraite et en route pour récupérer les papelards justifiants des divers boulots de sa vie : ouvrier, videur, fossoyeur. A cheval sur sa vieille moto, mutique, monolithique, Depardieu est impressionnant, touchant et étonnant ; et Yolande Moreau, en épouse caissière de supermarché, n'est pas en reste non plus. C'est donc un film qui parle de gens normaux, pas glamours, qui en chient mais qui continuent, sans forcément savoir pourquoi. C'est un film très poétique aussi, qui ne s'oblige pas à une trame narrative, qui est libre dans sa forme. C'est un film émouvant, dans ce qu'il dit des émotions, des douleurs et des joies de vies accidentées, de gens qui n'ont pas de direction, de gens barrés mais vivants, et bien plus riches pour ça. C'est un film qui a des choses à dire mais qui se permet de ne pas dire trop directement, mais de créer une ambiance, des personnages et des émotions. Un film un peu paumé aussi mais vivant justement, plein d'espoir aussi. Bref, il est difficile de le résumer, mais c'est bon signe à mon sens, c'est un film qui mérite d'être vu en prenant le temps de se laisser entrainer. Et c'est un film qui me fait dire que, pour le coup, ils sont trop rares les films de ce gabarit aujourd'hui, autant dans sa forme, son écriture que ses contenus.


Vu. True Blood, saison 4, de Alan Ball.

La saison 4 étant maintenant close, je peux en faire un petit bilan. De manière générale, on retrouve les bons points des précédentes, mais aussi leurs limites : ça n'avance quand même pas tant que ça et beaucoup de choses tendent à se répéter. J'ai cependant préféré cette saison aux deux précédentes : on repart presque d'une nouvelle situation, et celle-ci donne plus de place à la politique vampirique (tant mieux, c'est bien un des points que je trouve les plus intéressants, même si il reste en arrière-plan) et donne un rôle plus intéressant à Bill notamment (qui est du coup infiniment moins niais, ouf) ; d'autre part, on dégage les fées et autres trucs hyper-niais ce qui aide quand même un peu l'ambiance d'ensemble. Maintenant, au-delà de ça, la trame centrale est un peu mollasse, comme toujours, et pas très passionnante. De la même manière, les intrigues secondaires de beaucoup de personnages m'ont vaguement amusées mais sans que j'aie vraiment eu une grosse envie de les voir progresser, ni de m'y attacher. Et les vraiment amusantes, comme celle d'Eric, nous sont quand même resservies sous plus ou moins la même forme pendant de très nombreux épisodes. Bref, ça ronronne, même si certaines avancées sont sympathiques. Je ne peux pas dire que ce soit génial, mais simplement que ça se regarde quand on a pris l'habitude et que sans être jamais passionnant, ça reste sympathique. Maintenant, le meilleur, ça reste le générique (qui est lui, très très bon).