Chroniques cocues, tamponnées et astrales.



Lu. Le Montespan. De Jean Teulé.

Si Madame de Montespan, maitresse du Roi Soleil, est raisonnablement connue, on ne parle que rarement de son époux. Et pourtant, il y a de quoi dire, ce que se propose de faire Jean Teulé, dans un roman fluide, amusant et inattendu. Car Monsieur de Montespan est amoureux de son épouse, et ce fut longtemps réciproque, et ils vécurent longtemps dans la débauche et la fête, jusqu'à ce que leurs dépenses les mettent sur la paille. Une solution : son épouse est très belle et brillante en société, elle va donc s'y faire connaître. Et plaire au roi. Qui en fait donc sa maitresse. Mais l'époux refuse de se taire et de se faire oublier, il veut récupérer son épouse. C'est donc, après avoir découvert leurs origines, ces années de résistance que l'on va suivre. Et le moins qu'on puisse dire est que Montespan est un homme courageux, tant on ne s'oppose au souverain sans conséquence, pourvu d'un humour certain, et acharné, puisqu'il ne renoncera pas. Il ira jusqu'à faire équiper son carrosse de bois de cerf pour traverser le royaume puisqu'il est le cocu le plus célèbre de France. Si l'histoire elle-même est très prenante et drôle (même si les situations ne le sont pas toujours), l'autre grand point fort, à mes yeux, de ce roman, est la découverte des coulisses du grand siècle, de l'hygiène terrifiante des nobles, de l'avilissement face au roi, et de la vie du peuple et de la noblesse de campagne. Et pour le même prix, c'est d'une écriture vive et très agréable à lire.


Lu. Dead and gone (Sookie Stackhouse). De Charlaine Harris.

Voici donc un tome de plus dans la série des Sookie Stackhouse (base de la série True Blood donc), le neuvième si je ne me trompe pas. Si on y retrouve tous les personnages auxquels on est attaché et si ils continuent à évoluer gentiment, je ne peux pas dire que j'ai vraiment été enthousiasmé par le scénario et l'évolution générale de la série. De fait, on est toujours un peu sur le même schéma : Sookie est sympa et essaie de faire sa vie mais elle se trouve pourchassée par pleins de très vilains qui lui font du mal, on comprends progressivement de qui il s'agit et, quand la situation devient horriblement désespérée, ses amis viennent la sauver et des personnages secondaires meurent, ce qui est vraiment très très triste. Le corrolaire est donc qu'il faut pour chaque roman, ou presque, des nouveaux adversaires, de préférence mystérieux et inconnus. Ce qui, certes, continue à étendre le bestaire du monde, mais bon, si ce n'est pas pour en faire quelque chose mai seulement fournir de nouveaux méchants, c'est un peu triste. Et c'est au final ma déception principale sur ce tome-là, de nouvelles créatures sont introduites, ie les fées avec leurs liens spécifiques avec Sookie, pour n'en faire que des vilains qui en plus disparaissent en fin de tome. Rien de très convaincant, donc, ça ronronne, au mieux.


Lu (BD). Le Baron Noir, Intégrale. De Got et Pétillon.

Il y a parfois du Génie des Alpages dans les moutons du Baron Noir, si ce n'est qu'ici, c'est lui le chef, le prédateur, le dominant et que les moutons n'ont que rarement de velléités de rébellion solides. Il faut dire que les forces de police (en rhinocéros), si elles reconnaissent qu'en théorie le Baron Noir ne doit pas enlever trop de moutons, ne sont pas prêtes à l'embêter, surtout que si ça se trouve, il n'a pas dépassé son quota, et préfèrent marteler les fourmis rebelles. Le Baron Noir, ce sont donc de petits strips de trois cases relatant principalement les exactions dudit Baron sur ses terres peuplées de moutons. Et il est difficile d'en avoir une lecture autre que politique, tant est mise en avant la position du prédateur (qui voudrait léguer son affaire à son fils), des proies, de la police, et même des intellectuels (un éléphant et un tortue dont les prises de position restent superbement théoriques). Il n'empêche que c'est drôle, décalé et raisonnablement varié. Bien sur, mieux vaut ne pas se taper l'intégrale d'un coup, ça ferait beaucoup et sans doute un peu répétitif, mais à lire par petits morceaux, c'est un vrai plaisir. Le dessin est minimaliste mais si vous aimez le style de Pétillon, ça se passera bien, et l'écriture sobre elle aussi mais tout à fait efficace. Je regretterais simplement que certaines séries se répètent un peu et que les tentatives de renouvellement de la fin de la série ne soient pas forcément ce que je trouve le plus convaincant.


Machin. Les Bons Points. Du Tampographe Sardon.

Certains d'entre vous ont peut-être connu les bons points à l'école, ceux-là sont beaucoup mieux. Le Tampographe Sardon fait pas mal de choses, et notamment beaucoup de tampons, mais il édite aussi une très belle boite de bons points sérigraphiés du meilleur goût. De bon goût, justement, il en est question puisque c'est effectivement cynique, provocateur et percutant. Et ça me fait vraiment très beaucoup rire, je le confesse sans hésitation. Vraiment beaucoup. Que je vais en agrandir pour les afficher dans ma maison par exemple. Bon, à part ça, je vous accorde que ça ne sert à rien. Mais ça me fait rire à chaque fois que je les sors de leur boite, ce qui est déjà beaucoup. En plus, c'est fait en petites quantités artisanales par des gens qui font plein d'autres bonnes choses, donc c'est une bonne action de l'acheter, si, si. Bref, si vous aimez l'humour percutant et décalé, c'est un bien bel objet.

Et vous pouvez en voir plein au fil de son bon blog : http://le-tampographe-sardon.blogspot.com/


Joué. Ad Astra. De Serge Laget et Bruno Faidutti.

Ad Astra est un jeu qui a fait étonnamment peu de bruit au regard des auteurs, et surtout de la qualité du jeu, ce qui explique notamment que j'ai attendu longtemps avant de l'essayer. Et j'ai eu bien tort, tant ce fut une excellente surprise. Ad Astra est un jeu de développement dans l'espaaace, avec des visuels de bonne qualité mais assez classiques. Pour ce qui est des mécanismes, par contre, c'est du tout bon, avec un mélange de Colons de Catane et de Race for the Galaxy. Colons de Catane parce qu'il s'agit de coloniser, développer et accumuler des ressources, avec la même simplicité et la même fluidité ; et Race for the Galaxy pour la programmation d'actions par tous les joueurs, lesdites actions permettant à tous les joueurs d'agir. Et comme on programme chacun trois actions par tout, à quatre ou cinq, il y a de tout et c'est difficile de prévoir complètement mais on essaie quand même d'anticiper et de profiter des actions des autres. Ce qui rajoute pas mal de tension mais aussi de finesse, c'est que les points de victoire ne sont gagnés que lorsqu'un des joueurs joue une des actions correspondantes, et sur un des critères choisis par le joueur. L'ensemble est simple à comprendre, mais ouvre de nombreuses possibilités de stratégies, avec un déroulement très fluide et engageant. Ad Astra ne révolutionne certes pas le genre mais il propose une relecture très aboutie et très plaisante à jouer en combinant avec talent des mécanismes efficaces et agréables. Et pour certains, comme moi, c'est la possibilité de retrouver tout le plaisir de Catane, avec plein de choses très améliorées. Vraiment, à essayer.


Joué. The Adventurers. De Guillaume Blossier et Frédéric Henry.

Indiana Jones, vous situez ? Les temples avec des boules géantes, des puits sans fond, des dalles piégées au-dessus de lacs de laves et des murs qui se rapprochent ? Et bien, the Adventurers, c'est exactement ça. Chacun joue un aventurier, un pilleur de temple plus exactement, et va tenter de traverser le temple, accumuler les trésors, et survivre aux dangers sus-cités. Un jeu dont les points forts sont le matériel et surtout, surtout, l'ambiance totalement immersive. Oui, on s'y croirait : une grosse boule en plastique qui avance, des murs qui se rapprochent, des belles figurines, tout ce qu'il faut. Ensuite, le jeu lui-même, parce que quand même, il ne faudrait pas l'oublier : beaucoup de hasard, mais pas que, de la mémoire aussi, de la prise de risque beaucoup, bref, des mécanismes légers mais efficaces pour ce qui est de s'amuser, de croiser les doigts pour que ça passe et de mourir dans d'atroces souffrances parce qu'on a voulu prendre trois statuettes de plus (pour le plus grand plaisir de tous les autres joueurs). Alors, certes, pour un aussi gros jeu, ça fait des mécanismes un peu légers et qui ne donneront pas forcément envie aux joueurs un peu acharnés d'y rejouer tant de fois que ça, mais honnêtement, si vous avez l'occasion de faire quelques parties, il y a peu de chances que ça ne vous fasse pas rigoler. Très réussi donc, et recommandé, pas forcément pour l'acheter, mais au moins pour l'essayer.


Joué. Fresco. De Marco Ruskowski et Marcel Süsselbeck.

Dans Fresco, chacun joue un peintre embauché par l'évêque pour repeindre le plafond de la cathédrale. On va donc se partager les zones du plafond, qui permettent de gagner des points de victoire. Enfin, se partager... Fresco est d'abord un jeu de gestion de ressources, la ressource principale étant la peinture. Ou plutôt les peintures puisqu'elles sont figurées par des petits cubes en bois qui, pour une fois, ne représentent rien d'abstrait mais bien les couleurs en question. Couleurs primaires d'abord, qu'on pourra ensuite mélanger pour obtenir les couleurs plus complexes qui permettront de réaliser les parties plus élaborées du plafond. C'est la grande originalité de Fresco : on gère vraiment des couleurs et on les mélange. Pour le reste, c'est certes de la mécaniques bien rodée, mais sans originalité particulière non plus. Chacun dispose d'assistants qu'il va répartir pour aller acheter des couleurs, les mélanger, peindre le plafond, peindre des tableaux pour gagner de la menue monnaie ou encore se détendre afin de garder le moral. Du classique, donc. Efficace certes, mais sans apporter non plus de grands frissons ou de grandes envies d'y jouer de manière acharnée. Maintenant, si vous cherchez un bon jeu de gestion, et que l'idée de la peinture et des mélanges de couleur vous séduit, c'est sans doute un bon choix. A noter que la boite annonce : avec 3 extensions, ce qui est louable mais potentiellement un peu trompeur. Disons que Fresco offre la possibilité de jouer en version simplifiée ou en ajoutant une partie ou toutes les règles. Je dirais que pour des joueurs pas trop débutants, il vaut mieux jouer avec tout (et que du coup, le terme extension est un peu trompeur).