Chroniques littéraires, humbles et intelligentes (plus ou moins, c'est selon).


Chroniques

Lu. L’évangile selon Pilate. De Eric-Emmanuel Schmitt.

Ca faisait plusieurs fois qu’on me conseillait Eric-Emmanuel Schmitt, j’ai fini par me laisser convaincre et je suis complètement séduit. Premier essai donc avec cet Evangile. Il s’agit bien d’un évangile, au sens strict, en deux parties. La première est un monologue de Jésus dans sa cellule, avec flashbacks, très fin, très humain, et laissant la part belle au doute justement. La seconde est la correspondance de Pilate avec son frère alors qu’il essaie de comprendre pourquoi le corps a disparu et à qui profite le crime, dans un style d’abord policier puis de moins en moins. Et les deux parties sont très touchantes, avec des personnages très attachants, très forts, de l’humour souvent, de la profondeur et de la finesse aussi. Et, cerise sur le gâteau, Schmitt écrit très bien mais surtout de manière très légère, très agréable à lire, ça avance tout seul et on se laisse happer. Un livre surprenant, plein de finesse et vraiment passionnant, je ne vois pas de raisons de ne pas essayer, vraiment…


Lu. La part de l’autre. De Eric-Emmanuel Schmitt.

Après le bien avec Jésus, Schmitt a voulu s’attaquer au mal avec Hitler, ce qui est aussi casse-gueule, voire pire. Mais son choix dans la manière de le traiter est tellement astucieux qu’on ne peut qu’adhérer. Pas forcément au premier abord, et c’est tout l’intérêt, mais quand même. L’idée de départ est « Et si Hitler avait été reçu aux Beaux-Arts en 1908 ? ». Et plutôt qu’une simple Uchronie, Schmitt développe un double roman : un chapitre Hitler historique, un chapitre Adolf H., artiste-peintre ayant pris une toute autre voie, les deux imbriqués l’un dans l’autre. Et on se prends à comprendre comment Hitler a pu devenir Hitler, et comment il aurait pu y échapper. Et donc comment toute personne renferme un part de mal, une tentation au moins, et on se prends non seulement à comprendre mais parfois à compatir, voire à s’identifier, ce qui est extrêmement déstabilisant mais terriblement efficace. Et ce choix de ne pas faire d’Hitler un monstre inhumain mais au contraire un homme, un autre mais humain est à mon sens le plus intelligent sur le sujet. Un peu plus long que l’évangile selon Pilate, ça se lit cependant aussi facilement, et c’est d’une maîtrise de forme autant que de scénario tout à fait remarquable. Bon, moi je vais lire la suite de l’œuvre de Monsieur Eric-Emmanuel et je vous encourage à en faire autant.


Lu. Partouz. De Yann Moix.

Lire Yann Moix après Eric-Emmanuel Schmitt, c’est un peu dur. Comment dire… Schmitt écrit pour comprendre, avec empathie, Moix écrit pour faire le malin, avec style. Bon, c’est rapide de le dire comme ça mais c’est vraiment mon impression. Yann Moix ne manque pas forcément d’idées, et certaines sont même plutôt astucieuses, mais il se sent systématiquement obligé de les enrober dans un style grandiloquent qui se veut choquant et avant-gardiste. Et au final, en ce qui me concerne, ça gache. Si on rajoute par dessus une tendance à citer les grands auteurs qu’il adule toutes les deux pages, souvent pour s’y comparer ou analyser leur biographie, je trouve ça pas mal lourd, mais avec des vrais littéraires ayant les mêmes références, ça marche peut-être. Bref, Yann Moix veut tellement être un écrivain hors du commun et que ça se voie que ça occulte ce qu’il pourrait avoir à raconter. Bon, je rate peut-être quelque chose, c’est peut-être même un second degré génial d’auteur génial mais en ce qui me concerne, ça ne passe pas trop. Et sinon, de quoi parle ce livre… de partouze un petit peu, de terrorisme et du 11 Septembre comme un acte sexuel beaucoup, de littérature pas mal et de l’auteur aussi pas mal. Bon, si ça vous fait envie, vous le lirez indépendamment de mon avis, sinon, ben, voilà, quoi.


Lu. Hard as nails. De Dan Simmons.

Troisième tome des aventures de Joe Kurtz, et conclusion de cette trilogie, Hard as nails commence plus fort que les précédents (et oui, c’est possible) puisque le personnage principal prends une balle dans la tête à la première phrase. Oui, quand même. Sachant que comme dans les précédents, ça va ensuite en empirant pour sa gueule jusqu’au dénouement. Et même en partant comme ça, ça fonctionne en ça tient ses promesses. Je ne déflorerais rien du scénario mais sachez qu’on retrouve tous les personnages qu’on aime plus des méchants très méchants qu’on ne découvre qu’à la fin qui c’est vraiment. L’intrigue est à mon sens meilleure que celle du précédent. Plus gros budget, oui, mais aussi plus surprenante et plus entraînante. L’écriture est toujours vive et violente (et là encore, elle a aucune raison de se sentir seule) et c’est toujours un bonheur. Je souhaite à tous les francophiles que la traduction arrive vite parce que ça mérite largement de s’y jeter.


Lu. L’oeillet ensorcelé. De René Depestre

Un tout petit bouquin dans la collection folio à deux euros. Il s’agit d’un recueil de petites nouvelles érotiques haïtiennes. L’auteur est apparemment un peu connu pour des romans et autres écritures plus classiques mais je ne connais pas donc je ne pourrais pas comparer. Ici en tout cas, il se fait plaisir, et nous aussi. On reste strictement dans le cadre érotique (et pas du tout pornographique pour le coup) et de manière très joyeuse et ensoleillée. C’est plein d’humour et de joie de vivre, ce qui en fait vraiment une lecture rafraîchissante et réjouissante. Et ce n’est pas seulement dû au cadre haïtien, même si ça y participe, c’est aussi dans l’écriture et la conception de l’amour et de la sexualité. Du coup, c’est vraiment plaisant, et, pour deux euros, ça fait une parenthèse tout à fait agréable. Pour le même coup, vous avez en fin de recueil un merveilleux lexique des termes haïtiens désignant les sexes masculins et féminins et rien que ça, ça vaut le coup.