Chroniques bordéliques, masculines et microscopiques.



Lu. Joyeux bordel, d’Andrew Boyd et Oswald Mitchell.

Sous-titré : tactiques, principes et théories pour faire la révolution, Joyeux bordel annonce la couleur d’entrée, et ne trahit pas l’intention annoncée. Il s’agit d’un travail de compilation et de synthèse avant tout qui propose un contenu large et riche sous une forme particulièrement facile à découvrir, utiliser et transmettre. Chaque élément est présenté en environ trois pages, de manière très directe, et dans un langage clair. Trois parties constituent l’ensemble. La première, tactiques, présente des moyens d’action politique, allant du plus simple au plus créatif, puisqu’on y trouve notamment les Yes Men, mais également tout un tas d’activistes aux méthodes originales, droles et efficaces. Soit : comment être militant sans être chiant, et en étant efficace. Bien sur, vu la compacité des présentations, certaines invitent surtout à aller découvrir de plus près, mais tant mieux. La seconde partie, principes, reprends sous la même forme des principes généraux d’organisation de groupes militants, et elle est à mon sens au moins aussi utile que la première, voire plus vitale à long terme. En effet, on y aborde des principes organisationnels mais aussi des dangers à éviter, notamment de fermeture sur soi, de reproduction de logiques de domination (sexistes en particulier) dans les groupes actifs. Bref, de quoi avoir en tête des principes sains pour garder un fonctionnement viable. Enfin, la troisième partie résume certaines grilles de lecture théorique de la lutte politique. C’est là que la forme compacte montre plus de limites, mais cela permet cependant de découvrir de grandes idées théoriques de manières très facile et rapide. L’ensemble en fait donc un manuel parfait de l’activisme politique, autant par son contenu que sa forme, facile à aborder et diffuser. Et comme les auteurs ne font pas les choses à moitié, l’ensemble du contenu est disponible, en VO, sur un site participatif qui ne demande qu’à être complété et enrichi : beautifultrouble.org.


Lu. Refuser d’être un homme, de John Stoltenberg.

Refuser d’être un homme est publié dans la collection nouvelles questions féministes, qui publie habituellement des auteures parlant de féminisme radicale. Mais il y a toute sa place, puisqu’il s’agit bien d’un point de vue féministe radical, bien que masculin, sur la masculinité et la virilité. C’est ce qu’expliquent d’ailleurs les quatre avant-propos. Ils sont justes, et intéressants, mais c’est peut-être un peu beaucoup avant même de commencer le livre. Bon, ça peut se discuter, parce que c’est un choc, en tout cas ça l’a été pour moi, et la mise en train progressive peut aider, j’imagine. C’est un choc bienvenu, ceci étant, salvateur même je pense, mais ça ne se fait pas sans peine et sans remise en question. En effet, Stoltenberg explore de manière brillante et radicale différentes facettes de la virilité, et donc de la construction de l’identité masculine dans nos cultures patriarcales, ce qui, en tout cas pour un homme féministe voulant aller au fond de ces questions, est assez douloureux. Parce que Stoltenberg va au fond des choses et expose ce que chacun d’entre nous porte de virilité et de culture de domination masculine. Notamment en ce qui concerne la construction du désir et de l’imaginaire sexuel, ce qui est bien trop rare, mais, comme je le disais, salvateur. Je ne peux que vous le conseiller très fortement, mais je ne peux pas vous y encourager en vous disant que ce sera une lecture sympa. Ce sera une lecture importante, troublante, une lecture qui fait vraiment se poser des questions et grandir par contre. Sur la forme, je signalerais par contre qu’il s’agit d’un recueil d’interventions, articles et allocutions, cohérents sur le fond, mais pas tous aussi approfondis ou solides. J’en regrette simplement que Stoltenberg n’ait pas écrit un vrai ouvrage reprenant tout ça avec une construction plus complète. Mais qu’importe, il y a déjà là très largement de quoi faire. Vraiment, allez-y, mais accrochez vous.


Lu. Eloge de la fuite, d’Henri Laborit.

Henri Laborit était spécialiste en biologie des comportements, et a écrit sur beaucoup de sujets. Ici, il propose un balayage très large de questions relatives à l’identité humaine, on pourrait dire qu’il s’agit de philosophie d’une certaine manière, mais à la lumière des découvertes de la biologie et en particulier de la neurophysiologie et de la biologie du comportement. Dans une série de chapitres traitant de sujets larges (allant de l’amour à la mort, en passant par la politique et le travail), il détaille sa pensée, construite dans une perspective assez déterministe, mais déterministe de manière très scientifique et argumentée sur la base de résultats de recherche solide. Pour autant, ce n’est pas pessimiste, ou enfermant comme perspective, au contraire en ce qui me concerne. Le fait d’éclairer le comportement et les enjeux de cette manière apporte une clarté et des questionnements puissants et bienvenus. En particulier, la perspective sur la fuite (et la fuite spécifiquement du système dominant et capitaliste) est riche et assez réjouissante. C’est effectivement un éloge, et même plus directement une réhabilitation de cette idée de fuite vers quelque chose comme issue. Les perspectives politiques qu’il dessine à partir de ces idées m’ont donné franchement envie de lire certains de ses autres ouvrages, en particulier ceux centrés sur la question politique. Il me semble ceci dit que comme point d’entrée dans cette pensée là et comme vulgarisation d’un certain nombre de notions de biologie comportementale appliquées à l’humain, c’est gagnant.


Lu. Some remarks, de Neal Stephenson.

Neal Stephenson est un auteur de SF (au sens large, parce qu’il est rarement dans de la SF classique à vaisseaux spatiaux) remarquable et rare, et, comme il le dit avec humour, il était temps, arrivé à ce point de sa carrière, de publier un recueil d’articles, d’opinions et de formats courts. Quand on connait l’éclectisme des centres d’intérêts de Stephenson et la profondeur avec laquelle il les traite, il y a de quoi être alléché. Et, effectivement, c’est un pot-pourri riche et réjouissant. On y retrouve un certain nombre d’articles sur des questions de technologie, d’histoire des sciences, de littérature, ainsi que de rares fictions courtes. J’aurais tendance à dire a priori : pas de surprise, c’est bon et c’est qu’on en attendait. Mais une partie du bouquin se détache cependant, ne serait-ce que parce qu’en nombre de pages, elle en occupe la majorité. Il s’agit d’un long reportage, de touriste geek : Stephenson a suivi, à travers toute la planète, la mise en place d’un des cables internet sous-marins de dernière génération (à l’époque, ce n’est certainement plus la dernière génération aujourd’hui). Il traite donc en détail de nombreux aspects autour de la conception de ce cable, ses aspects techniques, la pose et les enjeux politiques. Avec donc un électisme assumé, mais une vraie profondeur pour chaque sujet, il ne s’agit pas d’une perspective superficielle. Et c’est passionnant, dans des proportions que je n’aurais pas anticipé. Stephenson est un vrai passioné de technologie et est toujours aussi capable de rendre compréhensible et appréciable les détails comme l’ensemble. Certes, c’est particulier, mais c’est un vrai plaisir pour les fans de Stephenson ou de ce genre de choses en général. De toutes façons, soyons honnêtes, c’est un livre pour les fans.


Lu/Joué. Microscope, de Ben Robbins.

Microscope est sous-titré : a fractal role-playing game of epic histories. Rien que ça. Mais au final, si si, tout à fait. Et c’est absolument brillant. Et parfaitement à mon gout, ce qui ne sera pas le cas de tout le monde. En plus, c’est à base de fiches bristol, et je suis un peu drogué aux fiches bristol. Bref. L’idée de base est effectivement de raconter une histoire, mais une histoire très large, celle d’une civilisation, d’un monde, ou au moins d’une période historique entière. En groupe, donc, mais sans meneur (encore qu’un animateur peut faciliter, surtout pour découvrir). On pose d’abord les points de départ et d’arrivée (on connait donc la fin dès le début, puis on focalise sur une époque, un événement, une scène particulière. Avec des changements de focales successifs jusqu’à remplir le tableau de tout ce qu’on a envie d’y mettre. C’est bien sur déstabilisant pour des habitués de jeu de rôle classique, mais au final très facile à comprendre et très engageant. Les règles permettant de favoriser la créativité et de donner à la fois une place à chacun et un cadre commun sont simples et bien pensées, avec un résumé en une petite page. Vraiment, c’est une autre manière d’aborder le jeu de rôle, et je la trouve extrêmement séduisante. Si elle se prête moins à un enchainement de parties successives, celà peut d’une part être le cas malgré tout, et d’autre part c’est surtout très adapté et précieux pour construire ensemble un monde dans lequel jouer ensuite de manière plus classique. De la même manière, je trouve que c’est un outil très précieux pour construire un scénario ou un monde littéraire. Accessoirement, le bouquin est petit, facile à lire, et commandable également en pdf. Joueurs curieux, jetez-y donc un oeil.


Mangé. Cosy Corner.

Le Cosy Corner, c’est une sacrée bonne adresse, en particulier pour des hamburgers, et comme je ne suis pas comme ça, je la partage. C’est dans le Vieux Lyon, caché derrière le Palais du Change, au milieu des bouchons à touristes. Mais pour le coup, c’est tout sauf un resto à touristes, c’est un petit resto cosy où déguster des hamburgers très très très bons (et quelques autres trucs aussi, hein, mais quand même, d’abord, ce sont des hamburgers). Avec du pain de boulanger, de la vraie viande, et des tas d’autres choses selon les gouts, mais tous cuisinés pour de vrai, avec des vrais assemblages de sauces maison qui méritent le détour. Servi avec des patates sautées maison (pas diététiques, c’est sur, mais c’est bon) et de la salade. Et pour tous les burgers, il y a une option double, mais honnêtement, il faut vraiment avoir faim faim. Même avec la version normale, il est rare qu’on arrive à prendre un déssert derrière (alors que les désserts font envie aussi). Bref, c’est du hamburger, mais avant tout, c’est de la vraie bonne cuisine. Pour ne rien gacher, l’endroit est très chouette, tout petit mais accueillant, avec une terrasse vraiment agréable pas beau temps. Et surtout, l’équipe est vraiment hyper sympa. Non, vraiment, si un week-end, vous avez envie de vous faire un bon repas détendu dans un petit resto qui ne paie pas de mines mais dont vous sortirez repu et avec le sourire, c’est une adresse à ne pas rater. Pour dire, ça devient une de nos références de week-ends de beau temps.